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VENDREDI 03 JUILLET 2015 : HOMMAGE À MANOEL DE OLIVEIRA AVEC DEUX FILMS : ANIKI BOBO ET LE VIEILLARD DU RESTELO

20h30 Cinéma Mercury - 16 place Garibaldi - Nice
Publié le dimanche 28 juin 2015.


En collaboration avec l’Espace de Communication Lusophone

Hommage à Manoel de Oliveira :

- Aniki Bóbó

Portugal, 1942, 1h30, vostf

- Le vieillard du Restelo (Court Métrage)

Portugal, 2014, 19 min., vostf

Aniki Bóbó

Une bande d’enfants dans les rues de Porto : leurs jeux, leurs rivalités, leurs codes secrets cette comptine, par exemple, Aniki-Bébé-AnikiBobo, mot de passe nécessaire pour pénétrer dans leur univers. Parmi eux une gamine, Teresinha, sorte d’égérie en miniature que les garçons admirent ou jouent à aimer, n’est pas insensible au charme d’Eduardinho. Carlitos, le plus amoureux de tous est aussi le plus timide de la bande. Pour prouver sa flamme à sa bien aimée, il vole une poupée à l’étalage de la boutique du mercier. Les deux gamins s’affrontent au bord du fleuve Douro. Alors qu’ils font l’école buissonnière, Carlitos et Edouardinho en viennent à nouveau aux mains. Le combat a cessé, mais Eduardinho tombe du talus surplombant la voix ferrée, au moment ou passe un train. Carlitos est accusé de meurtre et seule l’intervention providentielle du commerçant volé pourra le laver de tout soupçon.

Article de Josiane Scoleri :

« L’art n’est rien d’autre que la représentation de l’énigme de la vie » Manoel De Oliveira

Manoel de Oliveira avait l’habitude de dire que les frères Lumière, Melliés, Max Linder et Chaplin avaient tout inventé au cinéma. Et avec Aniki Bóbó, on se sent effectivement plongé aux premiers temps du cinéma, ne serait-ce-qu’à cause de ce tout premier plan, avant même le début du générique, du train fonçant sur nous à la sortie d’un tunnel comme celui de « L’entrée en gare de La Ciotat ». Ou encore ce Noir et Blanc d’un autre âge qui raconte une vie et une ville qui ne sont plus sur un rythme qui n’existe plus lui non plus. Mais s’il y a très certainement quelque chose de documentaire dans cette chronique de l’enfance des années 40 dans les quartiers populaires de Porto, ce qui frappe bien davantage aujourd’hui, plus de 70 ans après la sortie du film, c’est à quel point Oliveira a été un précurseur du néo-réalisme italien et qu’on ne l’associe généralement pas du tout à ce courant du cinéma. Mais comment ne pas penser à De Sica, face à ces gamins qui jouent dans la rue mais qui savent déjà, puisqu’il le faut bien, qu’on ne badine pas avec les relations humaines ? Nous sommes donc plongés dans cette société en miniature, l’effet étant fortement accentué par les costumes des enfants, qui des pantalons à pinces aux casquettes un peu canaille, des mèches rebelles aux cheveux gominés reflètent fidèlement le monde des adultes et sa diversité avec un je-ne sais- quoi de forcément cocasse vu la différence d’échelle. Oliveira s’attache aux détails, donc chacun est significatif, comme dans les contes, Le maître d’école semble sorti d’un livre d’images, le marchand de tissus et son apprenti auraient certainement beaucoup plu à Pagnol. Nous sommes encore dans un cinéma de la candeur, qui fait écho à celle des enfants. La caméra est franche et directe. Elle est surtout très tendre avec chacun des personnages, dune tendresse délicieusement désuète qui nous touche d’autant plus . Cela dit, on aurait tort de prendre « Aniki Bóbó » juste pour une gentille bleuette. Ce que Oliveira nous montre de l’enfance, c’est avant tout son rôle de répétition générale par rapport à ce qui se joue plus tard dans la vie adulte. L’amour, la mort, l’argent, la loi, l’ordre social, le jeu, la morale, la trahison, la calomnie, toutes les questions essentielles qui nous occupent la vie durant sont abordées dans le film puisqu’elles sont déjà au cœur des relations entre les enfants. Edoardo et Carlitos se disputent l’amour de Terezinha et nous sommes chez Marivaux. Edoardo, le casse-cou bravache se situe à n’en pas douter aux antipodes de Carlitos, le doux rêveur, mais les deux vont transgresser la loi pour les beaux yeux de Terezinha, la tragédie se profile à l’horizon. Si j’osais, je dirais que Shakespeare n’est pas loin Oliveira est déjà le magicien du cinéma qui s’est affirmé plus tard tout au long de sa longue carrière. Il l’est ici avec cette simplicité qui est bien la chose la plus difficile à atteindre. Sur le fil du rasoir, avec ses micro-péripéties qui peuvent faire sourire, le film joue les funambules et maintient justement l’équilibre. Ce qui nous vaut quelques scènes très poétiques, comme celle où Carlitos rend visite à sa belle en passant par les toits. On le voit, contrairement aux apparences, « Aniki Bóbó » n’est finalement pas vraiment un film réaliste. La chronique de la vie somnolente d’une petite ville de province à peine animée par les espiègleries d’une bande de titis en goguette est ainsi savamment interrompue, à intervalles plus ou moins réguliers par des moments de grâce comme celle du cauchemar de Carlitos où un Noir et Blanc particulièrement tranché flirte bien plutôt avec l’expressionnisme. La construction du film s’écarte elle aussi dès le départ du schéma narratif traditionnel en annonçant le drame dès le générique sans pour autant présenter le début du film lui-même comme un flash-back. Car si le drame est annoncé d’entrée de jeu, il ne se déroulera réellement sous nos yeux que bien plus tard, une fois que nous aurons fait plus ample connaissance avec chacun des personnages. Par cette technique de montage toute simple, Oliveira montre dès ce premier film à la fois sa maitrise de l’outil et son approche du cinéma : au plus près de la vie et des sentiments grâce à cette faculté qui est bien le propre du cinéma, celle de la représentation mimétique du réel pour nous plonger au cœur du rêve et nous révéler ce faisant à nous-même une part d’intime que nous ignorons bien souvent et que nous reconnaissons pourtant à l’écran. Ce n’est pas une mince affaire. Cineciità avait été justement surnommée en son temps « la fabrique des rêves ». On comprend que cette expression ne nous parle pas seulement du miroir aux alouettes d’un réel inaccessible, mais beaucoup plus profondément de cette matière impalpable et oh combien indispensable dont nous sommes pétris, la matière du rêve.

Manoel de Oliveira explique que "sa filmographie a l’Histoire pour fil rouge. Aniki-Bobó mon premier long-métrage en 1942 sur le quotidien d’enfants des quartiers populaires de Porto représente en partie mon enfance et les films qui ont suivi ont acquis un caractère toujours plus historique. Mes films évoquaient la plupart du temps des événements historiques. Puis je me suis intéressé à l’histoire du cinéma. Aujourd’hui, on considère le cinéma comme un mouvement. Mais le mouvement n’existe pas. Ce qui existe, ce sont les choses qui évoluent dans l’espace. Et cela représente du temps. Quand les frères Lumière ont réalisé à trois reprises un film sur la sortie d’usine des ouvriers, ils ont voulu imprimer du mouvement à des personnages."

...Ce long-métrage Aniki Bóbó , à la croisée de La Guerre des boutons et de L’Argent de poche de François Truffaut, réunissant en lui la candeur des films de Charlie Chaplin et la gouaille de Mark Twain, est certainement un des plus beaux films sur l’innocence de la jeunesse. Anticipant le néoréalisme italien, ce monument du cinéma parlant présente un monde et une ville qui ont changé depuis la Seconde Guerre mondiale, mais dont la beauté et les émotions suscitées restent intactes. Adaptation du conte Les enfants millionnaires de Rodrigues de Freitas, ce film illustre avec justesse et onirisme l’atmosphère particulière du récit, l’ennui qu’endurent les enfants à l’école et l’étrange ambiance de peur et de liberté qu’ils éprouvent, une fois lâchés dans la ville nocturne, tout en superposant une autre histoire, imaginée, elle, par Manoel de Oliveira. Dans Aniki Bóbó, les parents sont absents ; les enfants mènent le jeu au bord du fleuve où ils se confrontent à des sentiments d’adultes : la jalousie, le désir, la culpabilité, la solitude, au rythme de la comptine éponyme. On a découvert Manoel de Oliveira sur le tard et avec la dernière partie de son œuvre, une période disons brechtienne où son approche est très distanciée, utilisant des intermédiaires tels que la représentaion théâtrale, la mise en abyme, ou la confusion entre fiction et réalité. Mais la carrière du doyen lusitanien a débuté au temps du muet et connu divers revirements esthétiques. Ainsi, lorsqu’on découvre Aniki Bóbó (1942), on s’aperçoit qu’Oliveira fut un précurseur du néoréalisme et de la Nouvelle Vague. Aniki Bóbó développe plusieurs aspects qui feront l’identité du cinéma de l’après-guerre : absence de héros emblématiques, refus de la romantisation et des artifices de studio, attention aux gens simples, prégnance des décors réels ­ en un mot, le regard documentaire qui investit la fiction pour lui donner de nouvelles lettres de noblesse. (Les Inrockuptibles)

Le climat de la photographie de ce film, qui est due au remarquable opérateur António Mendes, donne aux scènes documentaires - parfois très belles - un style qu’on a appelé réalisme poétique.. Les enfants sont dirigés avec sensibilité et jouent avec un grand naturel...Dans les jeux des enfants, on perçoit des allusions à des thèmes plus adultes, plus profonds, notamment au conflit mondial qui se nourrit lui-même d’autres conflits, du conflit social au conflit de générations. Aniki Bóbó est un véritable poème cinématographique, un appel à la liberté, à l’amitié, à des valeurs qu’on ne peut anéantir. Servi par une équipe de premier ordre - les futurs réalisateurs Manuel Guimaraes, Fernando Garcia et Perdigao Queiroga y travaillent comme assistants - , Oliveira fait preuve dans ce film d’un extraordinaire sens des images : la narration évoque le meilleur cinéma muet, presque sans nécessité de dialogues.

Le vieillard du Restelo (Court Métrage)

Une plongée libre et désespérée dans l’Histoire telle qu’elle s’est déposée, comme un limon fertile, dans la mémoire de Manoel de Oliveira. Il réunit sur un banc du 21ème siècle Don Quichotte, le poète Luis de Camões, les écrivains Teixeira de Pascoaes et Camilo Castelo Branco. Ensemble, emportés par les mouvements telluriques de la pensée, ils dérivent entre passé et présent, défaites et gloire, vanité et folie, à la recherche de l’inaccessible étoile.

Manoel de Oliveira a gardé intacte sa passion pour le septième art jusqu’ à sa mort au mois d’avril de cette année. Il s’était battu pour financer son film Le vieillard du Restelo, dont il était impatient de débuter le tournage. Mais le projet de Manoel de Oliveira a connu des retards dans un contexte particulièrement difficile pour le cinéma portugais, qui a subi de plein fouet les coupes budgétaires sévères appliquées par le gouvernement pour satisfaire aux exigences des créanciers internationaux du pays.

Le vieillard du Restelo est le dernier film de Manoel de Oliveira. Quand il l’a présenté à la Mostra de Venise en 2014, il avait alors 105 ans. Manoel de Oliveira reçut en 2008 à Cannes sa première Palme d’Or pour l’ensemble de son oeuvre.


Présentation du film et animation du débat avec le public : Josiane Scoleri et Pedro Da Nóbrega .

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