Accueil du site - Séances-débats

Devi (La Déesse)

Dimanche 29 octobre à 10h30 et 14h30
Publié le dimanche 29 octobre 2006.


de Satyajit Ray

1960, NB, Vo-stf, 93 mn

avec Sharmila Tagore Chabis Biswas, Soumitra Chatterjee

Au Bengale, portrait d’une femme confrontée au dilemme d’une épouse simple, dévouée à un mari aimant, qui se retrouve catapultée sur le piédestal d’une déesse par un beau-père superstitieux et une société tout aussi aveugle.

Image Hosted by ImageShack.us

Avec son sixième film, Devi, Satyajit Ray s’attaquait de façon magistrale au fanatisme religieux et au phénomène de l’idolâtrie, si présent au cœur des rituels de l’hindouisme. Elevé dans une famille brahmoïste, le grand cinéaste bengali avait étudié de près la religion et ses rites. Lui-même non religieux, il y portait un intérêt d’ordre culturel et sans la moindre complaisance. "Je pense", disait-il dans un entretien, "que toute religion crée des barrières et constitue donc une force rétrograde. La religion ne devrait exister qu’à un niveau personnel, tout au plus". De fait, sa dénonciation porte bien davantage sur le dogmatisme religieux que sur la religion elle-même. Lui, l’humaniste et le rationaliste, ne pouvait rester insensible aux conséquences tragiques de tels comportements. Adaptée d’une nouvelle du talentueux Prabhat Mukherjee, l’histoire, ayant beau se situer au début du 19ème siècle, était toujours d’une brûlante actualité au début des années 60. Nul doute que le spectateur de 2006 ne puisse que la trouver, hélas, toujours aussi pertinente. Fanatisme et obscurantisme contre rationalisme, l’exigence de vérité de Satyajit Ray ne cèdait rien à la dictature du happy ending et son film laisse encore aujourd’hui un goût amer dans la bouche. Amer car vrai. Cette honnêteté têtue, cette lucidité implacable qui animent tous ses films, vaudront ici au réalisateur de Pather Panchali d’être mis au ban d’infamie par certains Hindous de son pays qui tenteront - en vain - de faire interdire Devi à l’exportation.

Le film, considéré à juste titre comme l’un des sommets de l’œuvre de Ray, possède une force extraordinaire découlant d’une conjonction d’éléments cinématographiques divers, fondus les uns dans les autres : composition des plans, simplicité jamais réductive du traitement des protagonistes n’ayant pour but - et pour effet - que de mieux révéler les pensées et sentiments profonds des personnages dans un cinéma pourtant non psychologique (faire une lecture freudienne de ce film, comme cela a été fait, est une erreur monumentale), utilisation parfaite et jamais gratuite du décor, de la musique qui joue comme toujours chez Ray un rôle essentiel, formidable interprétation collective, du grand Chhabi Biswas (inoubliable dans Le salon de musique) à l’acteur fétiche Soumitra Chaterjee, en passant par l’admirable Sharmila Tagore (15 ans à l’époque et petite-nièce du poète), tout ici débouche sur une unité remarquable où forme et fond se confondent. Devi est à ce titre la parfaite continuation de la trilogie d’Apu (le troisième volet, Apu sansar, 1959, le précédait) et du joyau Le salon de musique (Jalsaghar, 1958), intercalé dans cette trilogie. Il annonce aussi les deux grands films que seront La grande ville (Mahanagar, 1963) et le chef d’œuvre Charulata (1964, prochaine séance au musée le 19 novembre), formant avec ces deux derniers une sorte de nouvelle trilogie informelle dont le sujet serait la femme dans la société indienne.

Philippe Serve

Toutes les séances ont lieu au Musée, 405 promenade des Anglais - Arénas - 06200 Nice.

Les séances de 14h30 sont présentées par Philippe Serve (Cinéma sans Frontières).

Renseignements : Musée (04 92 29 37 00) / CSF (04 93 52 31 29 - 06 64 88 58 15)