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La Nuit des Tournesols

Vendredi 14 septembre 2007 - 20h30 - Mercury
Publié le vendredi 14 septembre 2007.


de Jorge Sanchez-Cabezudo

Espagne, 2006, thriller, 2h03

avec Carmelo Gomez, Judith Diakhate, Celso Bugallo

Au coeur des Pyrénées espagnoles, en pleine campagne, un meurtre a eu lieu. Dans la même région, une jeune femme est violemment agressée. Ces deux événements sont-ils liés ? La soif de vengeance va précipiter les uns contre les autres des personnages que tout oppose. La violence est-elle inhérente à la nature ou est-elle une invention de la ville ?

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Jorge Sanchez-Cabezudo Entretien

Le scénario prend le pas sur les ambitions formelles. On s’évoque le cinéma de Alejandro Gonzales Inarritu sans la volonté d’épate ou de délivrer de message.

J’aime surtout Guillermo Arriaga ! Je défends beaucoup le scénario qui à mon sens a largement contribué à cette réussite. J’adore ce cinéma. Evidemment, je suis très admiratif. Lorsqu’on voit des artistes qui racontent des histoires de cette façon, on a toujours envie de retrouver le même langage tant la démarche reste virtuose. Le but est de créer le même étonnement sans céder au pompage. C’est comme pour Tarantino : je ne partage pas le fond de ces films mais la manière dont il entrecroise les histoires demeure brillante. En ce qui me concerne, je me sens très proche de ce genre de films. Les structures kaléidoscopiques me stimulent. J’aime beaucoup cette façon de raconter. En littérature, cette forme semble parfaitement acceptée. Dans le cinéma, on semble avoir un complexe par rapport à ça. La mise en scène et le montage sont des instruments dont il faut impérativement se servir. J’aime beaucoup cette façon de raconter : pourquoi pas fragmenter le temps ? Ça nous permet de raconter des choses supplémentaires aux spectateurs. Le spectateur a besoin de savoir et c’est en greffant de nouveaux éléments qu’on réussit à créer un suspense.

C’est pour cette raison que vous avez filmé la scène de viol avant qu’elle traumatise le personnage ? Je ne voulais pas avoir à expliquer la structure. J’ai œuvré de telle sorte que chaque histoire ait une force et que le spectateur oublie justement les séquences précédentes pour que des émotions oubliées reviennent sans qu’il s’en rende compte. Si j’avais procédé d’une autre façon, le film ne raconterait pas la moitié de ce qu’il raconte sous cette forme.

Vous n’aviez pas peur de tomber dans le procédé ?

Je n’ai pas travaillé dans une optique stylistique. C’est justement parce que, de mon point de vue, c’est la meilleure façon de raconter cette histoire.

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Cesáreo Estébanez

Les ficelles sont extrêmement discrètes. Comment avez-vous fait ?

Je voulais évidemment éviter de paraître prétentieux dans ma mise en scène. Je me considère comme scénariste et réalisateur à égalité. Je me mets à la hauteur de l’histoire et des personnages. Je les regarde évoluer et tant pis s’ils sont confrontés à des événements qu’ils ne maîtrisent pas. Chaque humain est cloisonné dans ce chaos. C’est ce qui rend la vie si irréversible. Je suis en cela très admiratif d’un réalisateur comme Billy Wilder qui a commencé comme scénariste et ne supportait pas la façon dont les réalisateurs adaptaient ces scripts qu’il a finalement décidé de prendre la caméra. Quelques jours avant de réaliser son premier film, il s’est même demandé sur le plateau l’endroit où il devait placer la caméra. Il s’est simplement dit qu’il fallait la mettre là où l’action se passe. Cela ne sert à rien de faire tourner la caméra uniquement pour faire du beau vide. J’ai vraiment voulu que toute la complexité soit dans les acteurs et le scénario et que toutes les intentions de réalisation soient oubliées. Sur ce plan, on peut effectivement considéré le film comme classique.

Vous ne cherchez pas à imposer de jugements.

Non, je ne supporte pas ça. Je désirais à tout prix que le spectateur oublie de juger ses personnages et qu’il réfléchisse à ce sujet. Sans les justifier, je voulais qu’on comprenne les événements. En cela, j’ai laissé la fin totalement ouverte pour m’affranchir de toute obligation « moralisatrice ». Personne n’est totalement bon, ni mauvais. Les personnages de mon film ne sont pas des marginaux mais des individus courants que l’on croise tous les jours. Il fallait provoquer le spectateur pour qu’il se demande ce qu’il ferait dans cette situation.

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Judith Diakhate L’histoire est si complexe qu’on se demande d’où est venue l’inspiration...

Carmelo Gomez, l’acteur qui joue le personnage de Pédro aime la spéléologie et m’a recommandé de faire un thriller dans des grottes. Le défi consistait selon lui à faire un film angoissant dans une grotte pendant plus d’une heure et demie. Autant dire que c’était impossible pour moi en tant que jeune réalisateur. La grotte m’a amené à réfléchir sur le dépeuplement rural. Je suis très urbain, j’habite à Madrid et je n’aurais jamais pensé à m’intéresser à cela mais le contexte m’a stimulé car cela s’inscrivait dans la grande tradition de la littérature rurale. Je trouvais intéressant d’avoir un regard sur ce monde en train de disparaître. Actuellement, les circonstances sont différentes : la puissance économique du pays change. Le déclin moral de ces personnages correspond à cette déliquescence. La mort du personnage symbolise la mort de ce monde. Les personnages qui ne comptent que par leurs propres intérêts tournent le dos à des valeurs anciennes.

Le film évoque beaucoup les rape and revenge des années 70. Vous revendiquez ?

Alors, là, totalement. Vous êtes le seul à m’en parler mais c’est mon influence majeure. La scène de viol, le contexte rural, l’opposition entre deux mondes qui ne se comprennent pas. On pense forcément à Délivrance de John Boorman et aux Chiens de paille, de Sam Peckinpah. J’adore ce cinéma qui aimait avec des moyens directs sonder l’ambiguïté morale.

[Propos recueillis par Romain Le Vern (dvdrama.com)]

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Jorge Sanchez Cabezudo :

Né en 1972 à Madrid..

- La Gotera (1996, réalisateur)

- Mustek (1996, réal., acteur)

- Código natural (2000, scénariste)

- Al salir de clase (TV, 7 épisodes, 2000-01, scénariste)

- La Noche de los girasoles (2006, réalisateur et scénariste) Programme de la séance téléchargeable ci-contre.

Le film sera précédé d’une présentation et suivi d’un débat avec le public.

Présentation et Animation : Josiane Scoleri


Affiche du film - Cliquer pour agrandir

Programme de la séance - Présentation du film La Nuit des Tournesols