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Dernier Maquis

Vendredi 28 novembre 2008 - 20h30
Publié le vendredi 28 novembre 2008.


de Rabah Ameur-Zaïmeche

1h33, comédie dramatique, cl, 2008

Algérie, France, 2008, cl, vostf, 1h33
Réalisation : Rabah Ameur-Zaimèche
Scénario : Rabah >Ameur-Zaimeche et Louise Thermes
Photo : Irina Lubtchansky
Montage : Nicolas Bancihon
Musique originale : Sylvain Rifflet
Décors : François Musquet et Patrick Horel
Avec : Rabah Ameur-Zaimeche (Mao), Abel Jafri (un mécanicien), Christian Milla-Darmezin (Titi), Salim Ameur-Zaimeche (un mécanicien), Mamadou Kebe (le muezzin), Larbi Zekkour (l’imam).

Au fond d’une zone industrielle à l’agonie, Mao, un patron musulman, possède une entreprise de réparation de palettes et un garage de poids-lourds. Il décide d’ouvrir une mosquée et désigne sans aucune concertation l’imam...


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Dernier maquis est le troisième volet d’une trilogie unie par le maintien d’une thématique, autant que par les variations du traitement. Rabah Ameur-Zaïmèche s’intéresse à la fois aux réalités sociales les plus dures, filmant, selon ses propres mots, le peuple ouvrier actuel et à la situation particulière des populations immigrées dans le monde du travail autant que dans l’espace social.

Ce Dernier maquis s’inscrit dans la perspective ouverte par ses deux films précédents : Kamel le héros de Wesh Wesh, qu’est-ce qui se passe ? était confronté à la difficulté de se réinsérer dans sa cité des Bosquets, après avoir purgé une double peine de prison. A la décomposition sociale de la Seine-Saint-Denis répond, dans Bled number one, le regard distancié posé par un autre Kamel sur une Algérie que lui impose l’expulsion du territoire français. Chacun des deux longs métrages traite de la question de la communauté, de la tension entre unité et diversité en son sein, de relations humaines à peine mises en scène, plutôt montrées sur un mode proche du documentaire.

Le film

Thématiques

«  J’ai le sentiment de terminer quelque chose que j’avais commencé avec Wesh Wesh, sur les structures sociales, sur le déterminisme et aussi sur les différentes particularités des diasporas », déclarait le cinéaste en marge du Festival de Cannes. Et en effet Ameur-Zaïmèche aborde ses films sous un angle résolument politique. L’angle surprend pourtant. Comme l’écrit Cyril Neyrat dans les Cahiers du Cinéma, il semble, faire sienne la phase du philosophe et journaliste Jacques Rancière : les « sujets politiques » se définissent non par les identités mais par les « intervalles entre identités ».
Et de fait, chacun des trois longs métrages de Rabah Ameur-Zaïmèche commence par poser les identités - sociales, ethniques, religieuses – par proclamer leur égalité de droit les unes par rapport aux autres, pour ensuite les disséquer, les opposer, y ouvrir « des intervalles ». Cette réflexion menée sur le rapport de l’individu à la communauté, l’existence de la minorité face à une majorité, sur l’ambiguïté des actes des individus vis-à-vis du groupe, ce travail est éminemment politique et cherche à éviter à la fois la caricature et la leçon.

Les personnages

Pour les mêmes raisons, les personnages ne sont pas hiérarchisés de manière stricte, aucun n’accapare l’histoire même si évidemment certains sont plus souvent à l’image. L’importance du dialogue en général témoigne de la volonté d’installer à l’écran les personnages dans l’interaction.
En tant que réalisateur et acteur, Rabah Ameur-Zaïmèche s’attribue systématiquement un rôle, simultanément central et périphérique, incarnant des personnages essentiels au déroulement d’une histoire qui n’est pourtant pas prioritairement la leur. Etre acteur et témoin tout à la fois est envisageable lorsque Ameur-Zaïmèche est Kamel, décalé dans Bled number one, mais cette position paraît plus difficilement tenable dans Dernier maquis, où RAZ est Mao, le patron.

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L’image et le son

Le travail du cinéaste porte précisément sur ce qui fait le discours au cinéma. Ameur-Zaïmèche établit la dialectique par bien d’autres voies que le seul dialogue : ce qui est dans le champ, quelle action il accueille (ou non), et souvent le glissement de l’action hors du champ de la caméra ou la présence constante mais invisible (puisque hors de l’écran) des sujets les plus attendus.

La musique, le son, voire, à l’opposé, le silence jouent un rôle majeur dans le cinéma tel que l’entend Rabah Ameur-Zaïmèche. Dans Dernier maquis comme dans Bled number one, le soin accordé à la bande sonore trouve son pendant visuel dans la lumière et la couleur choisies. Cependant, contrairement à Bled, ce sont ici des couleurs artificielles qui portent la dramaturgie.

Une esthétique théâtrale ?

Pour autant, si Dernier maquis ne s’installe pas dans le paysage méditerranéen quasi mythologique et baigné de lumière du Bled, la dimension symbolique portée par le décor n’en tire pas moins le film vers un espace hybride, à cheval entre le théâtre et l’installation artistique.
Ce décor dépouillé et mouvant, où Ionesco eut pu rencontrer Brecht, permet un traitement esthétique de l’espace sans sortir de l’image documentaire propre aux premiers films de Ameur-Zaïmèche. Le cinéaste voulait un décor de théâtre antique. On oscille par ce biais de mise en scène entre la dureté et la trivialité de l’univers presque clos qui nous est proposé, et une forme d’épure esthétique à la limite de la stylisation désincarnée.
Dernier maquis a abandonné les travelling des deux films précédents, et s’installe dans un univers sonore et visuel propice à une perception crue des couleurs et des mots. Les plans durent, souvent, sans démonstration de virtuosité de la caméra. Il faut dire que Rabah Ameur-Zaïmèche revendique cette immobilité, puisqu’il a « posé [sa] caméra pour peindre, alors que jusque-là on utilisait la caméra comme des instruments de musique. »
Après tout, comme il le dit lui-même, le maquis, lieu ultime de la résistance, ne peut pas être transporté. Il constitue le refuge de ceux qui résistent, mais pas forcément pour les mêmes raisons, par toujours contre les mêmes ennemis. Ce maquis a un patron, Ameur-Zaïmèche lui-même, et nous verrons s’il respecte la conclusion d’un autre Ameur-Zaïmèche, Kamel dans Wesh Wesh : « Les patrons c’est tous les mêmes : ils se font de l’argent sur le dos de travailleurs. »

Bruno Precioso


Le réalisateur

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Rabah Ameur-Zaimeche

Filmographie

2001 : Wesh Wesh, qu’est-ce qui se passe ? 2006 : Bled number one 2008 : Dernier maquis

Diplômé en anthropologie urbaine, Rabah Ameur-Zaïmèche s’est tourné vers le cinéma parce qu’il sentait qu’il y avait « quelque chose au fond de son coeur qui avait besoin de moyens pour atteindre l’expression libre. »

Les films qu’il réalise visent donc rejoindre son discours d’anthropologue, mais sur un mode nouveau. Ce mode consiste à déployer des « espaces de perception », selon l’expression du cinéaste, où la présence d’un fond riche de sens est porté par une forme qui se veut intuitive, allusive, poétique.

La volonté de ne pas imposer une dialectique dure, de ne pas souffler le sens, donne naturellement une priorité à l’art, à l’installation plutôt qu’à la mise en scène, dit Ameur-Zaïmèche.


Le film sera présenté et suivi d’un débat avec le public.
Animation : Bruno Precioso.

Le film sera précédé d’une présentation et suivi d’un débat.

Dernier Maquis - Affiche CSF