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Les Méduses

Vendredi 19 octobre 2007 - 20h30 - Mercury
Publié le vendredi 19 octobre 2007.


de Etgar Keret, Shira Geffen

Israël, 2007, Drame, 1h18

avec Sarah Adler, Noa Raban, Gera Sandler

Le jour de son mariage, Keren se casse la jambe et doit renoncer à sa lune de miel aux Caraïbes... Une mystérieuse petite fille sortie de la mer change la vie de Batya, la jeune femme qui la recueille et qu’elle suit comme son ombre... Joy, une employée de maison en exil va, sans le vouloir, renouer les liens entre une vieille femme sévère et sa fille... Bouteilles jetées à la mer, fragments d’humanités qui flirtent avec l’absurde... Dans un joyeux désordre chacun cherche sa place, l’amour, l’oubli ou sa mémoire, car telle est la vie à Tel-Aviv...

Présenté à la Semaine de la Critique, Les Méduses a été couronné par la Caméra d’or lors du Festival de Cannes 2007. Le film a également reçu le Prix SACD et le Prix de la (toute) jeune critique.

Israël - 2007 - 1h18 - version originale sous-titrée Réalisation : Etgard Keret et Shira Geffen Scénario : Shira Geffen Photo : Antoine Héberlé Montage : François Gédigier et Sacha Franklin Musique : Christopher Bowen et Grégoire Hetzel Avec : Noa Raban (Keren), Sarah Adler (Batia), Gera Sandler (Michael), Assi Dayan (Eldad), Miri Fabian (Nili).

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Note d’intention des réalisateurs

"Les trois trames narratives du film fonctionnent comme les différentes facettes d’un même état d’âme, explique le couple de réalisateurs. Un état existentiel fait de solitude et du désir inassouvi de communication et d’échange affectif. Nos héros ont besoin d’un intermédiaire pour exprimer et transmettre leurs sentiments (...) Même si l’histoire se déroule dans un lieu précis, la ville de Tel-Aviv n’est pas le Tel-Aviv connu. Grâce à un filmage particulier et à un cadrage très défini, nous avons souhaité recréer une réalité décalée de la ville telle qu’elle est montrée dans la plupart des films israéliens (...) Les héros du film ont l’illusion de choisir leur propre chemin. Ils se déplacent, tels des méduses, sans pouvoir contrôler leur vie. Les courants souterrains qui les poussent viennent du passé, d’expériences traumatiques ou de stéréotypes."

La réalisatrice Shira Geffen explique comment lui est venue l’idée de ce film : "A l’origine, il s’agit d’un souvenir d’enfance qui m’a profondément marqué et qui m’a d’ailleurs inspiré une nouvelle que je n’ai jamais publiée. Quand j’étais petite, je me souviens d’un jour où mes parents m’ont emmenée à la plage : ils m’ont mis une bouée et ont commencé à se disputer très violemment. Aujourd’hui, je garde de ce moment un sentiment d’instabilité, de flottement, voire de déséquilibre." Et Etgar Keret de conclure : "C’est pour ça que tous les personnages du film se sentent oubliés par quelqu’un et que, d’une certaine manière, ils attendent qu’on vienne les chercher..."

Couple d’artistes israéliens, Etgar Keret et Shira Geffen ont vécu la majorité de leur vie à Tel-Aviv. Il n’est donc pas étonnant qu’ils aient choisi la mer comme personnage principal de leur premier film. "Dans cette réalité israélienne si dense, imprégnée de violence, de suspicion et d’idéologies extrémistes, la mer sert d’abri, de secours et de réconfort, expliquent les deux cinéastes. Territoire autonome, la mer serait le seul lieu où l’homme est considéré comme un homme, et non pas comme un être vague se résumant à sa carte d’identité ou à son statut social. Dans ce film composé de plusieurs histoires, la mer est l’élément fédérateur, comme une subconscience collective, un lieu où nos personnages peuvent se confronter à eux-mêmes."

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Etgar Keret explique l’importance que revêtait la réalisation de ce film : "C’est la première fois que j’avais l’opportunité de m’exprimer sans passer par l’écrit, puisque c’est Shira qui est l’auteur du scénario. J’ai du réfléchir en termes de cadrage, d’éclairage et d’interprétation. Les Méduses m’a donné l’occasion de collaborer avec ma compagne. C’était d’autant plus fort que Shira était enceinte de huit mois au moment du tournage et que le film est né dans la salle de montage presque en même temps que notre enfant. Je me souviens que Shira s’occupait de notre fils, pendant que je m’occupais de notre autre "bébé", on avait l’impression d’élever des jumeaux !"

Les deux cinéastes souhaitaient éviter le parti pris du réalisme et donner aux décors une dimension théâtrale. Ils ont alors choisi des lieux dépouillés pour focaliser l’attention du spectateur sur les personnages. "Nous tenions à tourner notre film à Tel-Aviv, qui est la ville où nous vivons, tout en cherchant à en faire une réalité abstraite, confie Shira Geffen. C’est pour cela que nous avons évité les plans larges et les lieux précis qui auraient pu identifier le décor à Tel-Aviv et donc au conflit israélo-palestinien."

Couple à la ville, Etgar Keret et Shira Geffen sont deux électrons libres de la scène artistique israélienne. Né à Tel Aviv en 1967, le premier est l’un des romanciers les plus populaires de sa génération, particulièrement auprès de la jeunesse qui se reconnaît dans ses récits drôles et décalés. Son oeuvre est aujourd’hui traduite dans de nombreuses langues. Il a reçu le Prime Minister award for literature en 1998 et son livre The Nimrod Flipout a été choisi par le L.A. times et The Boston Phoenix comme l’un des meilleurs livres de 2007. Son moyen-métrage, Skin Deep, lauréat de plusieurs prix dans des festivals internationaux, a reçu l’Oscar israélien en 1996. Née en 1971, son épouse fait également partie des auteurs et metteurs en scène les plus créatifs et actifs du moment. Elle est également connue pour ses livres pour enfants mais aussi pour ses mises en scène, en Israël et à l’étranger.

Avec le site Allo-Ciné (www.allocine.fr)

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L’héroïne du film, c’est Tel-Aviv, ville que les deux cinéastes ont parée d’étrangeté, de trouble diffus. Ville de solitaires, mais où chacun, sans même le savoir, semble servir de trait d’union involontaire aux autres : Robert Altman procédait ainsi dans ses films les plus réussis, Short Cuts, notamment. Les êtres, les lieux, les sentiments deviennent alors des liens avec l’irréel, voire avec l’au-delà, puisque la mort elle-même sert ici de piste pour aider quelques paumés tendres à se voir, enfin, tels qu’ils sont. (...) Dans ce film « choral » se croisent, durant quelques heures, quelques silhouettes perdues ou absurdes : la mystérieuse petite fille à la bouée, donc, droit sortie de la mer, une serveuse de noces et banquets vite renvoyée, une photographe insolente, une mariée au pied cassé, une poétesse au bout du rouleau et une émigrée philippine, placée auprès de vieilles dames mourantes ou acariâtres... Rien que des femmes, en fait, les hommes étant réduits à des seconds rôles odieux ou un rien trop gentils.

C’est un monde de « méduses », molles, en attente de rien, que contemplent, non sans tendresse, les cinéastes. Un symbole : ce drôle de flic désabusé qui, dans son bureau, fait des cocottes en papier avec la liste des personnes disparues, puisqu’il sait à coup sûr qu’il ne les retrouvera jamais... Pourtant, aussi « méduses » qu’ils soient, tous les personnages recèlent en eux des secrets qui, soudain, les embellissent. La mariée au pied cassé, par exemple, que l’on avait prise pour une pimbêche geignarde, cache - très bien - un don surprenant. Et la vieille mégère, si dure avec les autres, trouve le geste qu’il faut pour se rapprocher de façon inattendue de la Philippine, ô combien rudoyée.

Avec ses brusques bouffées d’onirisme et, dans la première partie, ses travellings lents, soyeux et délicats, le film semble donc planer légèrement au-dessus du sol, comme pour transcender légèrement la réalité qui englue les personnages. Et surprendre le coup du sort, le déclic, le zig-zag de leur vie qui les pousse vers l’harmonie. Les Méduses est une invitation à la métamorphose. L’avatar considéré comme bouée de sauvetage. Comme règle de (sur)vie.

Pierre Murat (Télérama)

Le film sera précédé d’une présentation et suivi d’un débat avec le public.

Présentation et Animation : Philippe Serve


Affiche du film - © Pyramide Distribution