Accueil du site - Séances-débats

Jeudi 10 février : DOUBLE TAKE (Festival CSF 2011)

20h30- Cinéma Mercury - Nice
Publié le samedi 29 janvier 2011.


Johan GRIMONPREZ

Belgique - 2009 - 1h20

Réalisation : Johan Grimonprez
Scénario : Johan Grimonprez et Thomas McCarthy
Montage : Tyler Hubby et Dieter Diependaele
Photo : Martin Testar
Musique : Christian Halten
Avec : Alfred Hitchcock, Ron Burrage, Mark Perry, Delfine Balfort
Distributeur : E.D. distribution

Sans doute fallait-il une personnalité aussi composite que Johan Grimonprez pour tenter le pari d’un tel film : Flamand d’origine mais diplômé de la School of Visual Arts de New York, professeur-anthropologue de formation, habitué du monde des musées (il est conservateur des archives), plasticien, cinéaste expérimental, ses incursions dans le monde du cinéma ont jusqu’ici été largement saluées au moins par la critique cinématographique et artistique. Ses films ont d’ailleurs trouvé refuge dans les musées autant (sinon plus) que dans les salles de cinéma.
La carrière de Grimonprez en tant que cinéaste, commencée en 1992 alors qu’il n’a que 30 ans, est relativement restreinte ; elle témoigne cependant d’une remarquable constance dans ses thématiques et le travail formel qui leur est associé.
Après le documentaire Dial H-I-S-T-O-R-Y (1997), son premier long-métrage, salué pour son questionnement du statut de l’image médiatique en général, et cinématographique en particulier, Grimonprez se penche déjà sur la figure d’Alfred Hitchcock dans son Looking for Alfred (2004), portant le soupçon sur le cinéma.
En 2009, Double Take illustre parfaitement la mosaïque d’influences qui s’expriment chez Grimonprez. Ni documentaire, ni fiction, ni pure œuvre de cinéma expérimental mais tout cela à la fois, ce film se développe dans la juxtaposition et la polyphonie.

Palimpsestes hitchcockiens

Grimonprez choisit de situer son film dans le contexte des années 60, l’ambiance de Guerre Froide constituant la toile de fond, l’esprit idéal pour développer ses thématiques : face à face de l’original et du double, utilisation à outrance de l’image-propagande, culture de la méfiance, trahison des apparences et double discours (à travers les figures de l’espion et de l’agent double), équilibre de la terreur qui réside dans l’inflation paradoxale d’une menace irréalisable… Les années 60 sont aussi celles d’une variation de forme de l’image très présente ici, puisqu’on croise des prises de vue dignes de vidéastes amateurs, des spots publicitaires d’époque, et bien entendu l’empreinte immense de la télévision.
Précisément et quoi qu’en dise Grimonprez, le choix d’Hitchcock comme personnage central du film, cinéaste parmi les plus connus du public occidental, sinon mondial, ne relève pas du hasard. Outre les inquiétudes propres au cinéma hitchcockien, en phase avec celles que veut aborder Double Take, le « maître du suspense » est une vivante métaphore des déplacements du statut de l’artiste suite à l’irruption de la télévision dans un monde d’images jusque là dévolu au seul cinéma.
Cet européen vivant et créant sur un autre continent, gardant un pied dans le monde du cinéma tout en investissant le nouvel espace télévisuel, à la fois devant et derrière la caméra, est à lui seul un « double ». Quoi donc de plus logique que ce double soit effectivement présent ici ?

…à la sauce Found Footage

Malgré l’apparente complexité de ces préoccupations, Grimonprez reste attaché à une narration qu’il qualifie lui-même de « traditionnelle ». Il y a donc une histoire (parfois déconstruite), même si dans Double Take la fiction procède autant d’images d’archives – donc « réelles » – et de reconstitutions que de scènes proprement fictionnelles. Le réalisateur d’ailleurs tient à une certaine esthétique. La très belle qualité des images au grain saturé, l’attention accordée à la composition musicale par Christian Halten, le rythme savamment dosé de lenteur et brusques ruptures produisent en effet un objet cinématographique achevé. L’esthétique de Double Take est donc celle du « film à l’ancienne » selon l’expression de Grimonprez, et non celle d’un projet en cours de développement, ni même celle plus iconoclaste des « valises » de Tulse Luper ou d’un Peter Greenaway.

L’esthétique relève ici d’une exigence formelle d’autant plus identifiable que l’utilisation du procédé du Found Footage donne régulièrement lieu à des formes moins abouties. Le Found Footage consiste dans la réappropriation d’extraits de séquences, parfois emblématiques et universelles, parfois au contraire à la limite de l’archive familiale. Le montage donne naissance à une œuvre nouvelle qui diffère radicalement des œuvres « empruntées », sans les faire disparaître puisque la reconnaissance joue également un rôle majeur.

Bruce Conner propose la recette suivante pour un Found Footage réussi :

« Ingrédients

- Un zeste de curiosité
- Une pincée d’idéologie
- Trois cuillerées à soupe d’humour (peut être remplacé par ¼ de cynisme à l’occasion)
- Une demi-douzaine d’images trouvées, à sélectionner selon vos envies, entre images oubliées ou surmédiatisées…
- Un nappage musical de qualité, ésotérique ou ringard.

Préparation

Découpez vos images, salissez-les ou brûlez-les. Jetez le tout dans un chapeau, secouez-le, et ressortez-en votre bobine collée et prête à être projetée. Réussir son film est aussi complexe que cuisiner un fondant parfait : la recette est simple, mais sans une grande dextérité, une patience démoniaque et une précision parfois ingrate, le résultat peut rapidement devenir indigeste. Le Found Footage est un genre à part, fondé sur une technique certes, mais aussi et surtout sur la notion de détournement, qui peut avoir comme objectifs la dénonciation, la démonstration, ou encore l’humour. Le discours peut être narratif ou abstrait, et le film reprendre une ou plusieurs sources d’images. Ce qui compte avant tout, c’est le talent de son auteur à en dégager une force empathique, que le spectateur pourra à son tour détourner à sa guise. »

Conformément à cette recette, chacun est donc invité à interpréter, voire à détourner ce film dont les niveaux de sens ne sont pas donnés mais construits et reconstruits par chaque occasion de projection : expositions, salles de cinéma, télévision avec coupures de publicité… Mais il est vrai qu’une telle entreprise pouvait difficilement se proposer d’être univoque.

Bruno Precioso


Présentation du film et animation du débat avec le public : Bruno PRECIOSO.

Merci de continuer à arriver suffisamment à l’avance pour être dans votre fauteuil à 20h 30 précises...

N’oubliez pas la règle d’or de CSF aux débats :
La parole est à vous !

Entrée : 7,50 € (non adhérents), 5 € (adhérents, chômeurs).
Passe Festival : 4 films = 20€

Adhésion : 20 € pour un an (365 jours) - 15 € pour les étudiants. Donne droit au tarif réduit à toutes les manifestations de CSF, ainsi qu’à toutes les séances du Mercury (hors CSF) et à l’accès (gratuit) au CinémAtelier.
Toutes les informations sur le fonctionnement de votre ciné-club :
http://cinemasansfrontieres.free.fr
Contact mail CSF : cinemasansfrontieres@free.fr
Contact téléphonique CSF : 04 93 52 31 29 / 06 64 88 58 15
Contact téléphonique Mercury : 08 92 68 81 06 / 04 93 55 37 81.