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SAMEDI 18 JANVIER 2014 - RENCONTRE-DÉBAT EN PRÉSENCE DES RÉALISATEURS JOSEPH MORDER ET GÉRARD COURANT AVEC DEUX FILMS : L’ARBRE MORT ET LE JOURNAL DE JOSEPH M

20h30 Cinéma Mercury - 16 place Garibaldi - Nice
Publié le dimanche 12 janvier 2014.


Deux cinéastes hors normes présents à Nice pour une journée exceptionnelle au Cinéma Mercury

Cinéma sans Frontières et Regard Indépendant vous invitent à rencontrer Gérard Courant et Joseph Morder, deux réalisateurs hors des sentiers battus et des circuits commerciaux deux perles rares dans le paysage cinématographique français.

18h : Le journal de Joseph M (59 minutes) Documentaire de Gérard Courant, un portrait facétieux de Joseph Morder. Une ode à l’amitié et à la complicité en esthétique suivi du court-métrage L’arbre cinéma de J.Morder (9 minutes)

20h30 : L’ Arbre mort (90 minutes) L’un des 4 films de fiction de Joseph Morder, le plus beau melo tropical jamais tourné à Nice

Depuis trente ans, le cinéaste Joseph Morder réalise un journal filmé tourné en Super 8 mm à la manière d’écrivains qui tiennent un journal écrit. Il filme ses amis, sa famille, son quartier (Belleville), des personnages de rencontres, ses voyages (ici, à Bruxelles) et toutes sortes d’évènements petits et grands, publics et privés. Sa passion du cinéma est telle qu’il va jusqu’à provoquer des situations insolites ou organiser des réunions d’amis pour créer des images et les intégrer dans son Journal filmé. (Gérard Courant)

Quand un filmeur rencontre un autre filmeur, qu’est-ce qu’ils se racontent ? Des histoires de filmeurs. Mais pas seulement, ils se filment aussi. C’est ainsi que Gérard Courant compose avec Le journal de Joseph M en 1999 un bien beau portrait du cinéaste Joseph Morder. Il faut prendre ici le mot portrait au sens qu’il a en peinture, comme on dit « un portrait équestre » c’est à dire avec le bonhomme à cheval. Joseph Morder est donc saisi dans quelques situations bien choisies, se livrant à l’occupation qui lui est devenue une seconde nature : filmer. Pas ou plutôt peu d’éléments biographiques, juste l’essentiel comme d’apprendre que sa mère lui a offert pour ses 18 ans sa première caméra super 8. Le film est plutôt une tentative de saisir son essence, de pointer quelques traits de caractères, d’approcher une façon de vivre, de dresser la carte d’un univers personnel.

Joseph Morder filme tout, mais pas n’importe quoi...la caméra super 8 au bout du bras, il filme sa vie, son monde : Les défilés du 1er mai (des archives, dit-il), les fêtes chez des amis, les amis beaucoup et lui bien sûr puisque sa grande œuvre, c’est un journal filmé, commencé en 1967 et qui compte à la date du film de Courant une cinquantaine d’heures. Véritable journal intime, il n’en montre que 14, bloc de temps qui cherche à redéfinir le rapport du spectateur au film. Il ne s’agit plus d’assister à une histoire mais de s’immerger dans une fraction d’histoire...

...Gérard Courant, très certainement en phase avec cette façon de faire (Jeu sur la durée avec les Cinématons, principe des carnets filmés), propose un équivalent pour ce portrait d’une heure. Il compose son film comme un fragment supplémentaire du journal de Joseph Morder. Quelques jours (semaines ?) avec lui, entre rencontres, entretiens, pure saisie d’évènements (la séance à la Cinémathèque) et des scènes qui flirtent avec la fiction. Nous découvrons Morder avec Florence Michaud, Morder avec ses amis : Luc Moullet, Noël Godin, Mara et Nele Pigeon, Marcel Hanoun, Roland Lethem, Dominique Païni... C’est un film de bonne compagnie, plein d’humour et de fantaisie. On s’y sent très vite à l’aise, entre le dialogue des deux cabots, Morder et Moullet aboyant à quatre pattes sur le gazon, la cérémonie Morlock, la découverte de la jungle du jardin de Godin en Belgique, l’étrange rencontre avec le cinéaste de La fée sanguinaire (1968). Les étagères sont remplies de livres et de bobines de film, les caméras et projecteurs font entendre leur ronronnement familier. C’est le bonheur.

Cette décontraction de ton n’empêche pas la précision de la description de l’homme au travail. On voit donc Morder filmer, la caméra comme une extension organique de sa main (Cronenberg, quelqu’un ?), mais aussi monter, projeter, se confronter à la recherche d’une production, commenter ses propres images et réfléchir sur le cinéma qu’il pratique. Il a une belle phrase lors d’une discussion avec Moullet qui rappelle une sortie de Jean-Luc Godard. « Si je prends ma caméra, c’est que j’ai envie de te filmer ». Manière de dire l’importance de l’acte. Le journal de Joseph M est aussi une très sérieuse réflexion sur la nature du travail de cinéaste. Que filmer, pourquoi et comment ? Et toutes ces sortes de choses... Il atteint par là un objectif essentiel, donner envie de découvrir les films de Morder.

Une autre dimension ajoute, si besoin était, de l’intérêt au film. Le jeu entre portrait et autoportrait. Au bout d’une dizaine de minutes, un superbe plan est tout à fait explicite. Joseph Morder filme à travers sa fenêtre. Sur le côté, dans une belle lumière de film noir, il y a un miroir qui reflète le filmeur, filmé par Courant. L’axe de la super 8 de Morder est assez proche de l’axe de la vidéo de Courant. Caché derrière son objectif, le reflet est autant celui du portraituré que celui du portraitiste. A travers cet homme dont le rapport intime au cinéma et au geste cinématographique est si proche, Gérard Courant fait son propre portrait, partage les mêmes réflexions et reprend ses figures de style favorite : les Cinématons consacrés à Morder, la projection de ses films, le couple, la rue de l’enfance. A de nombreuses reprises, il passe de l’image vidéo à l’image super 8, celle que l’on voit Morder filmer. Jeux d’emboîtement. Jeux entre réel et fiction quand Morder et Françoise Michaud semblent jouer à la sortie d’une séance de cinéma. Jeux des regards qui se superposent, ne font plus qu’un des deux frères en cinéma.

Moments entre amis, discussions allongés dans un parc, séances de cinéma, rencontres insolites, Douglas Sirk, soleil de mai, enfants, rêve de jungle dans un jardin, voyage en Belgique, femme admirée, grand champ s’étendant à l’horizon, François Truffaut avait professé que « Les films sont plus harmonieux que la vie ». Gérard Courant, avec Le journal de Joseph M, par une sélection habile de morceaux de temps puisés dans la vie de son modèle, montre une vie aussi harmonieuse qu’un film. (Vincent Jourdan de Regard Indépendant pour Inisfree, 5 février 2011)

Peu après la fin de la seconde guerre mondiale, dans un bateau reliant la France à l’Amérique du Sud, Laura rencontre Jaime. Arrivés à destination, les deux personnages se séparent par accident. Laura cherche son amant, Ricardo et Jaime se prépare à épouser Sofia, sa fiancée. Par un soir d’orage et de coup d’Etat, le destin entre dans la vie de Laura et de Jaime, grâce à un arbre mort...

Ce n’est qu’à 13 ans, après une enfance en Amérique latine, que Joseph Morder arrive à Paris (il est né le 5 octobre 1949 à Port of Spain, Trinidad et Tobago) et à 18 ans, après avoir reçu en cadeau une caméra Super-8, qu’il découvre le cinéma comme praticien. Il n’a pas cessé de tourner depuis, en variant (tout de même) les formats, utilisant tout autant sa caméra originelle que le 16 mm ou, récemment, le téléphone portable.

Alain Cavalier, avec qui il cultive bien des points communs, au point d’avoir établi avec lui une correspondance (Lettre filmée de Joseph Morder à Alain Cavalier, 2005), a intitulé une de ses dernières œuvres Le Filmeur.

L’appellation va comme un gant à Morder : il appartient à cette petite tribu de filmeurs impénitents, Gérard Coutant, Boris Lehman, sans oublier les lointains Américains Stan Brakhage ou Ernie Gehr, pour lesquels la vie et la captation de la vie se confondent, qui tournent sans discontinuer et font de leur quotidien le sujet de leur œuvre – un journal intime en images. Mais Morder ne se contente pas d’être un diariste, il sait également avoir recours à la fiction et aux acteurs professionnels en fonction de son inspiration.

Combien sa filmographie contient-elle de titres ? Selon les estimations, entre 80 et 800 – il est sans doute le seul à pouvoir répondre -, de durée variable, entre 3 et 90 minutes, dont il est souvent à la fois le réalisateur, le scénariste, le chef-opérateur, le monteur, le preneur de son et l’acteur. Bien peu, une poignée, ont été vus dans des conditions d’exploitation "normale". La plupart d’entre eux sont demeurés à usage interne, plusieurs courts ont concouru dans les festivals français les plus importants, Clermont-Ferrand, Pantin, où sa réputation est solide et sa production bien accueillie.

C’est en 1987, après vingt années de pratique, que son long métrage L’Arbre mort bénéficie d’une sortie en salle, sortie certes confidentielle mais qui lui donne une audience un peu plus large que celle des amateurs du cinéma underground.

L’année suivante, c’est Mémoires d’un juif tropical qui entre à son tour en distribution. Exercice autobiographique, comme l’annonce le titre, auquel participe Françoise Michaud, encore sa complice aujourd’hui. Ce n’est que dix-huit ans plus tard, en 2006, que sortira El cantor. Entre temps, Morder aura signé, outre ses carnets intimes, de nombreux courts métrages, dont La Plage (1998, avec Hélène Lapiower) et La Gare de… (2000), comptent parmi les réussites en mineur.

El cantor est plus ambitieux. Pour la première fois, Morder fait appel à des comédiens reconnus, Lou Castel, Luis Rego, Alexandra Stewart, auxquels il ajoute sa bande d’amis fidèles, Françoise Michaud, Rosette, Patrick Zocco. Et l’argument n’est plus prétexte à exercice formel, mais traite de la transmission des traditions et de la mémoire, à travers l’histoire de ce petit-fils d’un célèbre chanteur de synagogue qui revient en France visiter sa famille et apprend, de son père, pourquoi on ne lui a pas appris à chanter et à continuer la tradition.

Sous le beau titre de son long métrage suivant (son dernier à ce jour), J’aimerais partager le printemps avec quelqu’un (2008), se cache la réponse à une commande, celle du Festival Pocket Films, réservé aux œuvres réalisées avec un téléphone mobile – procédé neuf à l’époque, qui avait déjà donné naissance, en 2006, à deux films de qualité, Nocturnes pour le roi de Rome (Jean-Charles Fitoussi) et God is in my pocket (Arnault Labaronne).

Le style de Morder s’inscrit naturellement dans cette pratique du cinéma à la première personne. J’aimerais partager… présente le journal de l’auteur entre février et mai 2007, ses rencontres, ses dérives, ses divagations au sens propre entre ville et campagne, façon pour lui habituelle d’habiter pleinement l’écran.

Selon la position que le spectateur occupe, selon son acceptation ou son refus de la subjectivité ainsi proposée, le film peut être saisi comme une expérience empathique passionnante ou comme un déballage intime duquel rien n’émerge. En tout cas, il ne laisse pas indifférent, comme tout le cinéma de son auteur. (Lucien Logette pour Universciné.com)

Pour L’arbre mort, au départ Joseph Morder voulait tourner en studio en 16mm avec une esthétique proche de celle des photos de plateau des studios hollywoodiens. La 2eme chaîne allemande donne de l’argent pour tourner en Super 8 en extérieur Le film est tourné à Nice. Chaque plan se veut un hommage à un cinéaste, un peintre ou un musicien. Ainsi, lorsque Laura lit une lettre dans sa chambre d’hôtel, c’est un hommage à Matisse qui vivait à Nice. Le thé sur le balcon avec la tante Pilar est un hommage au Gigi de Minnelli.

L’arbre mort est le plus atypique de son auteur : pour une fois, Morder n’y apparaît pratiquement pas, et il ne s’agit pas là d’une nouvelle page de son journal. Encore que, à la limite, on pourrait soutenir que c’est une reconstitution du journal d’autres, à plusieurs voix. Mais, il faut le préciser, le journal morderien, s’il a l’attrait d’une nouveauté relative, affronte un écueil inhérent à son principe, celui de la répétition, répétition interne et aussi d’un film à l’autre. 
L’Arbre mort est donc, très probablement, le seul film de Morder à avoir une individualité indiscutable, et cela parce qu’il s’agit d’un mélo, genre moribond que Morder revivifie de la façon la plus surprenante qui soit, comme on va le voir.


L’Arbre mort possède bien la plupart des caractéristiques du genre : il se situe dans un milieu de convention, très aisé et suranné, celui de la haute société de l’Amérique latine vers 1950, laquelle prend fréquemment le bateau pour l’Europe ou depuis l’Europe...Il y a un grand bal mondain, sur fond de coup d’Etat. Chacun des deux amants est en cours de rupture avec un mari ou une fiancée. Au débarquement, ils se perdent dans la foule. Le coup de foudre se concrétise au cimetière, sous l’orage, qui succède aux balles du putsch... L’héroïne court après son ami révolutionnaire, mystérieusement disparu. L’ensemble, avec partition musicale continue, peut évoquer les grands mélos de l’Amérique latine, ne serait-ce que par sa complète ignorance des masses populaires et par son regard très évasif sur les événements politiques...


...Le film a été tourné en Super 8, et son style imite celui du cinéma d’amateur, où la durée des plans est brimée par la faible autonomie du ressort. Je dis bien qu’il l’imite, car Morder, qui a tourné quelques plans assez longs (la chanson, la course sur la jetée) disposait d’un matériel moderne, qui ne le contraignait nullement à ce genre de performance. Les plans sont si brefs, et les héros si immobiles que, malgré l’usage constant d’une caméra, on dirait un roman-photo, lequel est d’ailleurs l’ultime refuge du mélo contemporain.
..Morder réintroduit les stigmates du documentaire dans un genre fictif hyperconventionnel, l’expérimentation fauchée (parodie du film d’amateur, du montage de diapos) au lieu du professionnalisme qui a toujours marqué le mélo, genre très commercial ici voué a l’underground. (Luc Moullet pour les Cahiers du cinéma)

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Présentation du film et animation du débat avec le public : Vincent Jourdan et Josiane Scoleri .

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Brochure Morder-Courant. Présentation et articles Vincent Jourdan, Josiane Scoleri

Affiche Morder-Courant