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VENDREDI 20 JANVIER 2017 : DIAMOND ISLAND

20h30 Cinéma Mercury - 16 place Garibaldi - Nice
Publié le dimanche 15 janvier 2017.


Film de Davy Chou

Cambodge - 2016 - 1h39 - vostf

Diamond Island est une île sur les rives de Phnom Penh transformée par des promoteurs immobiliers pour en faire le symbole du Cambodge du futur, un paradis ultra-moderne pour les riches. Bora a 18 ans et, comme de nombreux jeunes originaires des campagnes, il quitte son village natal pour travailler sur ce vaste chantier. C’est là qu’il se lie d’amitié avec d’autres ouvriers de son âge, jusqu’à ce qu’il retrouve son frère aîné, le charismatique Solei, disparu cinq ans plus tôt. Solei lui ouvre alors les portes d’un monde excitant, celui d’une jeunesse urbaine et favorisée, ses filles, ses nuits et ses illusions.

C’est en retournant sur Diamond Island, où Davy Chou avait, en 2010, tourné quelques images intégrées à la fin du Sommeil d’or, que l’idée du film Diamond Island s’est imposée à lui. Il explique : "Le prolongement naturel entre les deux films se situe pour moi au niveau de la question du présent du Cambodge et de sa jeunesse. Dans Le sommeil d’or, qui était un documentaire sur les traces du cinéma cambodgien disparu, ce n’était certes pas le sujet, mais le défi était de partir du présent pour y faire resurgir le passé, et les jeunes y tenaient une place périphérique mais cruciale, entre amnésie et réveil. Et quand j’ai fini le film, je n’avais qu’une seule envie, c’était de faire une fiction avec la jeunesse comme pivot et de plonger pleinement dans ce présent-là. Au-delà de ça, les questions de forme et de mise en scène me semblent strictement les mêmes entre le documentaire et la fiction ». Il se rappelle : "Sans scénario et sachant que le développement d’un long métrage me prendrait encore deux à trois ans, je me suis lancé dans le tournage de Cambodia 2099 en improvisant en quelques jours une histoire se déroulant à Diamond Island. Ça a été salvateur pour moi de renverser le processus habituel : tourner d’abord afin de libérer l’inspiration pour écrire le long".

Diamond Island, Koh Pich en khmer – est une île à la confluence des fleuves Tonle Bassac et du Mékong, juste sur les rives de la partie continentale de Phnom Penh. Autrefois, ce bout de terre d’origine alluviale était le refuge de quelques familles de pêcheurs et de maraîchers. En 2006, ces familles ont été déplacées suite à l’association d’un fonds d’investissements chinois et de l’Overseas Cambodian Investment Company (OCIC), filiale de la Canadia Bank, une des plus grandes banques du Cambodge, ceci avec le soutien du gouvernement, afin de développer un projet d’aménagement de l’île qui s’élève à plusieurs milliards de dollars. L’ambition de cette vaste opération de promotion immobilière était de faire de Diamond Island une vitrine du développement du Cambodge et de son entrée dans la mondialisation. L’île, qui cible pour clientèle les classes moyennes et aisées, attire les foules, et surtout la jeunesse phnompenhoise qui en a fait un de ses lieux de rencontre favoris. Aujourd’hui, cent hectares de terrain ont été aménagés. L’hôtel de ville d’inspiration grécoromaine, les lotissements résidentiels d’Elite Town, la Canadia International School ainsi que diverses infrastructures dédiées aux loisirs sont déjà en service mais les réalisations les plus ambitieuses – les séries d’immeubles de grand standing Elysées et Casa Meridian, une réplique du Marina Bay Sands de Singapour baptisée Riviera ainsi que Diamond Tower, une tour de 555 mètres – sont en chantier ou pas encore sorties de terre. Diamond Island est le symbole de l’internationalisation des modes de construction en Asie du Sud-Est, caractérisée par un retrait de la planification urbaine et une multiplication des projets privés qui mettent en avant de nouveaux quartiers à destination de populations étrangères et locales solvables.

Pour Davy Chou, Diamond Island est un lieu représentant parfaitement le rapport passionnel et cruel entre la jeunesse et le mythe de la modernité en marche du Cambodge. "Pour moi c’est un lieu qui incarne plus que tout autre le rapport, passionnel et cruel, entre la jeunesse et le mythe de la modernité en marche du pays. Le point de départ, c’est de voir la relation entre Diamond Island et les gens qui, de jour, la construisent, mais aussi ceux qui, le soir venu, s’y retrouvent - des centaines de jeunes en scooter qui tournent en rond dans l’île, qui regardent avec des yeux émerveillés ces constructions non finies, ces pancartes montrant un Cambodge du futur ressemblant aux Champs-Elysées. Il y a une espèce de surgissement brutal de la modernité dans un pays qui n’a pas du tout été habitué à ça. Le pays est comme précipité dans le futur, et la jeunesse qui est née pendant une période de privation conséquente à une Histoire excessivement tragique y perd ses repères. Le film s’articule autour du désir, à la fois naïf, violent et sans recul qu’engendre ce surgissement, et ce à tous les niveaux de la société", confie-t-il. Le cinéaste a alors écrit le scénario de Diamond Island en 18 mois et la scénariste Claire Maugendre l’a ensuite rejoint à l’écriture pour apporter un second souffle à cette histoire.

"Dans Diamond Island, explique le réalisateur, je ne voulais pas montrer les choses de façon dichotomique, plutôt glisser cette part d’inquiétude à l’intérieur même d’images très colorées, fluorescentes. Rendre compte de la profondeur des choses mais uniquement en travaillant la surface, comme si la poésie et le cauchemar marchaient main dans la main. Le film est aussi un récit moral qui pose la question du prix à payer, et je cherchais à trouver une couleur de l’ordre de la tragique légèreté, de mêler la joie et la mélancolie. Il y a une attraction vers la fin des choses, et le cœur du film est aussi là, dans la question de la perte de l’insouciance, des choses et des gens qu’on laisse à côté à mesure que l’on traverse la vie. C’est ce que va apprendre le personnage de Bora".

Pour retranscrire ce lieu où règne l’artifice, Davy Chou et le directeur photo Thomas Favel se sont inspirés des derniers films de Michael Mann (plus particulièrement de Miami Vice) ainsi que de Spring Breakers d’Harmony Korine et Speed Racer des Wachovski (pour l’esthétique fluo). Les deux hommes ont également "fait dialoguer" l’image de Diamond Island avec les jeux vidéo, les clips contemporains (comme ceux de Kendrick Lamar), les mangas ou encore le travail du plasticien James Turrell.

La musique de Diamond Island a été composée par Christophe Musset et Jérémie Arcache, ex-membres du groupe Revolver. Davy Chou précise : "Notre approche, c’était de ne pas avoir peur des sentiments, de l’empathie voire de l’emphase, et de proposer une musique là aussi hétérogène, qui mélangerait couleurs orchestrales et couleurs synthétiques, avec des magmas de sons puis au-dessus des notes claires. Ils ont ensemble créé une musique formidable qui à mon avis épouse totalement l’esprit du film."

Davy Chou a dû trouver des jeunes comédiens sans expérience. Il explique : "Il n’y a pratiquement pas d’acteurs professionnels au Cambodge, l’industrie cinématographique et télévisuelle est encore en développement, et le jeu prôné reste très outrancier. Il me fallait donc trouver des jeunes acteurs sans expérience. Pendant 4 mois j’ai arpenté avec mon équipe Phnom Penh et ses environs à la recherche des personnages. J’ai fréquenté beaucoup de chantiers, des sorties d’usines, des clubs pour ouvriers. Et passé beaucoup de temps sur Diamond Island même. Le casting sauvage, j’ai appris que c’est quelque chose qui se base avant tout sur de l’intuition, et qu’il faut apprendre à se faire confiance. Le personnage de Bora, je l’ai repéré en passant à moto dans la rue, alors qu’il était rabatteur pour des chauffeurs de taxi-van. Il avait une lueur dans les yeux qui m’a appelée. Dy, l’ami de Bora, était vraiment ouvrier sur les chantiers de Diamond Island. Aza, le personnage féminin, je l’ai trouvée sur Diamond Island aussi, alors qu’elle traînait le soir avec ses copines. Et Solei, le grand frère, est un peintre très talentueux dont j’avais entendu parler. Il n’y a guère que l’acteur qui joue Virak, le chef de la bande, qui avait une expérience de jeu : c’est un clown et il a joué sous la direction de Georges Bigot dans la pièce d’Hélène Cixous L’Histoire terrible mais inachevée de Norodom Sihanouk, roi du Cambodge ». Il ajoute : « Comme les acteurs n’avaient aucune expérience et n’avaient pas forcément envie à priori de jouer dans un film, on a passé plusieurs mois après le casting à les faire répéter avec mon assistante Meas Sreylin. Mais dans un premier temps ce n’était pas vraiment des répétitions, plutôt des ateliers où ils apprenaient à bouger, à se regarder, à exprimer des émotions. Et moi pendant ce temps j’apprenais à les connaître et je modifiais leurs personnages. Et j’ai tellement filmé le visage de Bora lors de ces séances, que je crois que j’ai fini par en connaître toutes les plus fines modulations émotionnelles ! L’une des scènes les plus mémorables à tourner a été celle du baiser, car Bora n’avait encore jamais embrassé une fille. On a fait plein de prises où il s’arrêtait juste avant l’acte, tétanisé, et ça a créé une tension euphorique où toute l’équipe n’attendait plus que ça, le premier baiser de notre acteur principal. Du coup on ne l’a eu qu’une fois, son vrai premier baiser, et je suis super ému quand je regarde cette scène".

Le film a été récompensé du prix SACD (Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques) de la Semaine de la Critique du Festival de Cannes 2016 ainsi que du Grand Prix du Festival du Film de Cabourg.


Présentation du film et animation du débat avec le public : Josiane Scoleri

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