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VENDREDI 27 NOVEMBRE 2015 : L’IDIOT !

20h30 Cinéma Mercury - 16 place Garibaldi - Nice
Publié le vendredi 20 novembre 2015.


Yuriy Bykov

Russie - 2014 - 1h52 - vostf

Dima est un jeune plombier qui doit gérer les canalisations des logements sociaux d’un quartier d’une petite ville de Russie. Un soir, lors d’une inspection de routine, il découvre une énorme fissure qui court le long des façades de l’immeuble. Selon ses calculs, le bâtiment est sur le point de s’effondrer et d’ensevelir les 800 locataires qui y vivent. Une course contre la montre va s’engager…

Article de Martin de Kerimel :

Vous pensiez voir une adaptation fidèle de Fédor Dostoïevski en venant découvrir un film russe intitulé L’idiot ? Désolé de vous décevoir, très chers amis cinéphiles : en version originale, le long-métrage que Cinéma Sans Frontières diffuse ce soir n’a pas le même titre que le roman ! Sa traduction française serait même généreuse, quand la langue de Pouchkine parlerait plutôt de crétin ou de pauvre con. Autre info, en passant : il n’est pas question aujourd’hui de revenir au temps des tsars. Encore qu’on peut se demander si la Russie d’aujourd’hui est vraiment très différente de celle du XIXème siècle ! Vous aimeriez en discuter avec nous ? Pas de problème : on vous donne rendez-vous pour le débat, après la projection… Pour l’heure, commençons par parler de Yuri Bykov, le réalisateur de cet Idiot version 2015 ! C’est encore un homme jeune : il est né en 1981. Sa vocation artistique, il l’a d’abord suivie comme apprenti comédien, à l’institut Gerasimov, c’est-à-dire en fait l’institut national russe de la cinématographie, à Moscou. Cette très célèbre école de cinéma est réputée comme l’une des plus importantes au monde. Parmi les illustres cinéastes issus de ses rangs, nous citerons simplement en exemple l’un des chouchous de CSF : Andreï Tarkovski. Mais Gerasimov, fondée en 1919, a vu passer aussi des créateurs venus d’autres horizons, dont, il y a maintenant une trentaine d’années, un certain Abderrahmane Sissako. Fin de la parenthèse. Yuri Bykov, lui, a obtenu le diplôme de cette grande maison en 2005. Il s’est ensuite lancé dans l’écriture de scénarios et le tournage de ses premiers courts-métrages, dès l’année suivante. Son premier long – Live ! – date, lui, de 2010. Son nom vous est-il familier ? Yury Bykov, 34 ans seulement, n’est pas tout à fait un inconnu pour le public français. Les plus connaisseurs d’entre vous se souviennent peut-être qu’en 2013, The Major, son deuxième long, avait été retenu en compétition pour la Semaine de la critique du Festival de Cannes. Devant et derrière la caméra, notre ami offrait alors à la Croisette une histoire sordide au possible : celle d’un commandant de police qui, au volant de sa voiture, percutait mortellement un enfant et décidait de cacher l’accident. Pris de scrupule, le chauffard réagissait beaucoup trop tard pour changer le cours du destin. On n’est pas si loin du thème proposé par le film que nous présentons ce vendredi, à ceci près que le héros que L’idiot mis en scène n’est pas flic, mais plombier. Pour le reste, il est très probable que vous puissiez repérer quelques similitudes, au moins comportementales, parmi les personnages… En Russie, L’idiot est aussi le nom donné à un jeu de cartes, qui consiste à se débarrasser rapidement de son propre paquet afin de ne pas perdre la partie. Là aussi, un petit clin d’oeil au film est tout à fait perceptible, mais nous n’en dirons pas davantage : à vous de découvrir seuls de quoi il faut cette fois se défausser et de vous interroger sur les chances – relatives – des uns et des autres de gagner. Évidemment, sans surprise, ça dépend également de la main que tel ou tel joueur possède après la distribution. Celle de Yuri Bykov, finalement, aura été assez heureuse : son troisième film s’est fait remarquer lors du Festival de Locarno 2014. Certes, un temps jugé favori pour l’attribution du Léopard d’or, il a finalement dû s’incliner devant une oeuvre du cinéaste philippin Lav Diaz : nous en reparlerons prochainement. Il est cependant reparti avec un joli lot de consolation et une consécration méritée : le Prix d’interprétation masculine d’Artem Bystrov. Les personnages ont une grande importance, dans L’idiot. Nombreux, ils forment à eux tous un visage de la Russie contemporaine assez glacial, mais franchement fascinant à contempler. L’une de très bonnes idées du scénario, c’est au fond de ne donner que de très vagues pistes quant à la situation géographique de l’intrigue et sa possible contemporanéité. Sans date précise et sans lieu établi, le long-métrage interroge notre perception et ne nous rassure pas. On en revient naturellement à cette idée que le pays de Nicolas II et de Mikhaïl Gorbatchev n’a pas tellement changé depuis qu’il est dirigé par Vladimir Poutine. On pourra noter toutefois, histoire au moins de s’interroger sur la capacité des régimes autoritaires à dominer leurs adversaires politiques, que le film a aussi bénéficié du soutien officiel du ministère russe de la Culture. Un peu comme un autre film que nous vous avions présenté en novembre l’année dernière : Léviathan, d’Andreï Zviaguintsev. La bonne nouvelle, c’est que L’idiot n’oublie pas pour autant d’offrir du beau et bon cinéma. Référence pour référence, on pourrait oser dire qu’il s’apparente presque à une tragédie classique. Sa construction respecte presque parfaitement la sacro-sainte règle des trois unités. Le temps : tout le scénario tient en quelques heures à peine, que la caméra saisit pratiquement minute par minute. Le lieu : cette mystérieuse métropole de Russie, refroidie par la neige. L’action : c’est là, sans doute, qu’il peut y avoir un petit bémol à mettre en avant, le héros plombier faisant face, sans s’en inquiéter exagérément, à plusieurs menaces simultanées. Comme tant d’autres avant lui, il sera vite seul à affronter ce danger multiple. Les dictatures sont d’autant plus « efficaces » qu’elles reposent sur la soumission du citoyen ordinaire… Le titre du film pourrait vous laisser croire qu’il se moque complétement de son personnage. Fausse piste : le réalisateur défend l’idée "d’une époque où le cynisme, la peur et l’indifférence sont devenus la norme". Il a eu l’occasion d’expliquer que son intention première était de faire le portrait d’un homme honnête. "De tels personnages sont rares de nos jours, a-t-il souligné. On les qualifie de romantiques, d’altruistes, d’idéalistes ou simplement d’idiots pour marquer le fait qu’ils ne se comportent pas normalement". Très efficace, Yuri Bykov n’aura eu besoin que d’une seule nuit de travail pour accoucher de ce scénario cruel. Á ceux qui s’inquiètent soudain du sort de la population russe après avoir vu son film, il affirme que de tels idiots existent toujours dans son pays. Sa conclusion personnelle : il y a encore de quoi espérer. Bien entendu, chez CSF, personne ne vous obligera à être d’accord !

Yuriy Bykov est né en 1981 en Russie. Il a d’abord suivi une formation de comédien au fameux VGIK (Institut Gerasimov du cinéma) et il joua sur plusieurs scènes de théâtre de Moscou après en être sorti diplômé en 2005. Un an plus tard, il commence à tourner ses premiers courts-métrages et à écrire des scénarios. En 2009, son court-métrage The Boss, dans lequel il tient aussi le rôle principal, obtint le premier prix au festival de films de Kinotavr, il fut d’ailleurs aussi présenté au 25e festival Interfest du court-métrage. En 2010, il réalisa Live !, son premier long-métrage. En 2013, The Major fut sélectionné à la Semaine de la Critique du festival de Cannes. Durak (L’Idiot), son troisième film fut sélectionné en compétition au festival de Locarno en 2014.

"Je suis arrivé au bout du scénario littéralement en une nuit - le laps de temps que dure l’action dans le film. Je venais de rentrer chez moi, puis sortis pour me promener dans la ville et je remarquais combien elle paraissait vieille bien qu’elle fut fondée il y a à peine quarante cinq ans. Les maisons, à de rares exceptions, étaient en piteux état, les murs noircis et fissurés...Et j’ai eu cette idée simple et claire de faire un film sur un simple plombier – un honnête homme ordinaire se battant contre tout le système des bureaucrates, tous liés entre eux. C’est une question de vie et de mort : les vies de 800 personnes, qui vivent dans une vieille bâtisse risquant de s’écrouler durant la nuit, sont en jeu.", explique Yuriy Bykov à propos de comment lui est venue l’idée du film. Le réalisateur a ensuite entendu ses voisins affirmer que leur bâtiment s’écroulerait bientôt du fait des toits percés et des conduites qui fuient et lors d’un journal télévisé, des immeubles en mauvais état faisaient la Une. Les services des bâtiments n’avaient aucun moyen de faire des travaux et d’en construire de nouvelles maisons. Yuriy Bykov a alors eu l’envie de faire un film sur un simple plombier prêt à tout pour sauver son immeuble et a écrit le scénario en seulement une nuit.

L’idiot ! dénonce avant tout la lâcheté d’une société russe dans laquelle chacun, puissants comme petits fonctionnaires, employés communaux et laquais soumis à l’état, tâche de sauver son pré carré, de conserver ses privilèges, quitte à mettre l’existence des autres en danger. D’où une incroyable galerie de personnages formant autant de visages de la lâcheté, de la cupidité et de la bassesse humaines...Nous sommes en Russie, dans une petite ville jamais nommée, durant une nuit froide et peu engageante. Dans l’immeuble où se déroule l’action, toute une faune grouille et se chevauche. Du mari violent battant sa femme aux dealeurs de shit, des démunis entassés à six dans une pièce à des retraités abandonnés par leurs proches, toutes les strates de la pauvreté cohabitent. Et au milieu, Dmitri Nikitin, un plombier qui ne paie pas de mine et va tenter l’impossible pour les sauver.

Yuriy Bykov explique que "L’Idiot traite des réactions des gens vis-à-vis de notre protagoniste Dmitri Nikitin et non à ces capacités mentales – il est tout-à-fait sain de corps et d’esprit. Quand la « bataille » commence, la plupart des gens réagissent selon leurs instincts naturels : rester en vie et préserver leur paix et bien-être. Soudain, dans ce combat, un soldat apparaît avec un code bien précis – sa conscience..."

En Russie, selon Yuriy Bykov, des personnes comme Dmitri Nikitin sont de plus en plus rares. "On les traite de romantiques, d’altruistes, d’idéalistes ou simplement d’"idiots" pour bien marquer qu’ils ne se comportent pas normalement à une époque où le cynisme, la peur et l’indifférence sont devenus la norme. De tels idiots existent toujours dans mon pays et cela nous laisse de quoi espérer", explique le réalisateur. Le titre de son long-métrage vient donc du surnom donné aux personnes qui osent se battre pour la survie de leur immeuble. "Le caractère de Dmitri Nikitin est fondamental pour ce récit, tiraillé par le doute entre la peur qui le ferait rester chez lui et son honnêteté qui le pousse à révéler la vérité. Particulièrement bien construit, magnifiquement interprété par Artem Bystrov (Léopard d’argent du meilleur acteur au Festival International du Film de Locarno) , il se dresse comme le seul élément intègre parmi une foule de gens qui n’ont que faire de ses émois. Pour autant, ni lui, ni ceux qu’il essaie d’éveiller à la réalité ne sont tout noirs ou tout blancs. Les hésitations, les questions, les retournements sont possibles parce que Yuriy Bykov tient à la nuance." (Geneviève Praplan, Cine-feuilles.ch)

L’Idiot ! a remporté un grand nombre de prix : le Prix du meilleur acteur, le prix du jury oecuménique et le premier prix du jeune jury au Festival International du film de Locarno 2014, le premier prix Flèche de cristal, Prix de la meilleure photographie et le Prix du jeune jury au Festival du cinéma européen des Arcs 2014, l’Atlas d’argent, le Prix du public et Prix Regards jeunes Région Nord-Pas de Calais au Festival international du film d’Arras 2014, le Prix du jury au Festival international du film de Belgrade, la mention spéciale du jury au Festival du film de l’Aquila et le Prix de la critique du meilleur scénario au Festival international du film de Dublin.


Présentation du film et animation du débat avec le public : Martin de Kérimel

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