Compte-rendu du débat :
La salle, visiblement émue par le film, engage une discussion un peu distanciée sur les influences du film : ‘Le tombeau des Lucioles’, ‘Los Olvidados’, ‘Sa Majesté des Mouches’, ou encore le travail de Dodes Kaden. Puis, certains spéctateurs se disent frappés par l’amour que véhicule le film, à travers des échanges de regards. Il traite de la difficulté d’être mère, de l’impossibilité de rester enfant, et de la solitude dans les villes modernes avec justesse, et sans juger ses personnages.
Le film trouve une respiration originale en suivant le rythme des saisons, les rituels de la vie des enfants, leur quotidien, et l’évolution de chacun. Le son est très travaillé. Chaque personnage est annoncé par un bruit particulier : la mère par un taxi, la jeune amie des enfants par un grelot. Les silences en disent parfois bien long. Même si c’est un film sombre, sur la solitude et la mort, un spectateur remarque qu’il nous fait tout de même du bien. Est-ce le propre de l’art ? Il a en tous cas poussé la salle à s’interroger sur le rapport de l’art au réel.
Le film, basé sur un fait divers survenu à Tokyo en 1988, est une épure de l’histoire réelle dont les éléments les plus durs ont disparu. Est-ce une volonté, de la part du metteur en scène (documentariste de formation), de « poétiser le réel » ? Le destin tragique de ces enfants était, dans la réalité, lié au fait que leur naissance n’a pas été déclarée. Ils n’existaient donc pas au regard de la société, lorsque leur mère les a quittés. Vivant comme des fantomes, seuls, terrés dans leur appartement, à l’insu de tous et dans des conditions d’hygiène et de santé de plus en plus déplorables, ils portent un destin de mort. Mais le film semble volontairement prendre ses distances avec le réel, pour mieux le poétiser.
Aux limites du documentaire et de la fiction, il s’inscrit dans la lignée d’une recherche dans le cinéma contemporain d’un « troisième genre » (Michael Moore, par exemple, ou Peter Watkins). Il dépeint une certaine réalité sociale du Japon de ces dernières décennies, et nous donne à voir, comme en miroir, la misère humaine qu’entretiennent nos sociétés, en Europe aussi. A Nice comme ailleurs, la pauvreté ou la détresse se dérobe à nos regards. Au Japon peut-être plus qu’ailleurs. Le propos du film semble donc à la fois très réaliste et engagé, et radicalement poétique.
Élise Domenach
Le film sera précédé d’une présentation et suivi d’un débat avec le public.
Animation : Philippe Serve
Crtique de Philippe Serve sur EPNB