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Fire

Samedi 2 décembre à 10h30 et 14h30
Publié le samedi 2 décembre 2006.


de Deepa Mehta

1997, Couleur Vo (anglais)-stf, 100 mn

avec Shabana Azmi, Nandita Das

Dans ce film courageux, plein d’humanité et de tendresse, mais également sans complaisance pour la société oppressive du monde indien, la réalisatrice remet en cause les relations homme-femme dans un pays où celles-ci restent encore très traditionnelles.

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Troisième long métrage de la réalisatrice canadienne d’origine indienne Deepa Mehta et premier de sa "trilogie des éléments" (suivront Earth et Water), FIRE a déclenché à sa sortie en Inde les foudres des milieux fondamentalistes hindous (manifestations, insultes, menaces de mort, etc.). C’est que Deepa Mehta avait osé s’attaquer à un tabou auquel la langue hindi ne réserve même pas de mot en propre : l’homosexualité féminine, autrement dit le lesbianisme. Malgré ses précautions oratoires ("Il ne s’agit pas d’un film lesbien ni d’un film féministe"), l’objectif de la réalisatrice semblait bien rejoindre celui de sa jeune actrice Nandita Das ("Le film Fire défendait une cause importante : faire accepter l’homosexualité dans notre société"), ce qui était d’ailleurs tout à leur honneur. Nous n’aurons jamais assez de films prônant la tolérance, sexuelle ou autre, en quelque partie du monde où notre regard se tourne.

Si le film provoqua une violente polémique en Inde, il fut nettement mieux accueilli en Occident où la majorité des critiques et du public le portèrent aux nues, Deepa Mehta étant désormais considérée comme l’une des cinéastes - estampillées "auteur" - les plus importantes de l’Inde (malgré sa citoyenneté canadienne).

Faisons crédit à la cinéaste que son film ne soit pas - en tout cas pas uniquement - un film sur l’homosexualité mais aussi plus largement une oeuvre dénonçant l’enfermement et la répression sociétale, le poids des traditions (en particulier religieuses) et la nécessaire libération des corps et des esprits. Une fois ceci affirmé sans la moindre ambiguïté, il n’en reste pas moins qu’afin de faire passer son message humaniste, Deepa Mehta a bel et bien choisi l’homosexualité féminine comme axe central de son film. Là où l’on pourra trouver que le bât blesse n’est bien entendu pas dans ce choix mais dans le fait que cette homosexualité n’apparaît que comme un refuge contre des mariages forcés et mal-vécus, contre un dédain, une indifférence affichée (pour des raisons diverses) par les époux des deux héroïnes. Autrement dit, l’homosexualité est ramenée à une sorte d’anomalie, de maladie sociale, voire politique. Que les époux soient attentifs et aimants et les raisons même de l’homosexualité auront disparu... On peut donc être légitimement surpris qu’à d’assez rares exceptions près, la critique occidentale ait avalisé cette vision prêtant pour le moins à débat. Notons en passant (et contrairement à ce qui a été rapporté en Occident) que les plus violents des fondamentalistes hindous qui se sont déchaînés contre le film ne l’ont pas fait en majorité contre cette vision (qui, finalement, ne doit les gêner que sur un plan moral et de fierté machiste) mais contre l’utilisation par la réalisatrice de la religion - via les déesses idolâtrées Radha et Sita - pour souligner son propos.

Fire possède de vraies qualités cinématographiques : composition, cadrage, photo, refus du voyeurisme - ceux qui espéraient des scènes torrides en furent pour leurs frais - pudeur et une remarquable interprétation, tout particulièrement des deux actrices principales, aussi belles que talentueuses, la super-star indo-musulmane Shabana Azmi (par ailleurs membre du Parlement et inlassable militante des droits de la femme et des minorités) et la débutante Nandita Das.

Mais malgré l’attachement, la sympathie éprouvée envers les deux protagonistes, il faut aussi reconnaître l’existence de certaines lourdeurs dans les symboles choisis (les personnages divins déjà évoqués) ou dans des scènes à vocation humoristique mais tombant à plat (séquence du conte) ou de flash-backs. De même, Deepa Metha, sous un premier degré assez équilibré dans la présentation des motivations de ses personnages, montre finalement un certain manichéisme trop facile (les hommes sont tous minables et égoïstes, les femmes sont pures et nobles). Une certaine caricature montre le bout de son nez dans le portrait un rien xénophobe de la maîtresse chinoise et de son père. On peut aussi s’interroger sur la signification du plan final du film : Radha et Sita, fuyant la société hindoue qui les opprime, trouvent refuge dans une mosquée. Substituer un système religieux traditionnel par un autre (quel qu’il soit) semble pour le moins curieux lorsqu’on veut insuffler l’idée de Liberté. Voir les deux femmes partir, main dans la main, sur une route laïque, tels Charlot (Charles Chaplin) et la Gamine (Paulette Godard) à la fin des Temps Modernes, voilà qui aurait sans doute été bien plus révolutionnaire ! Enfin, dernier reproche que l’on peut adresser au film : celui d’avoir été tourné en langue anglaise (seul, le laitier parle hindi !). En dehors d’un manque réel de crédibilité, il donne naissance à un léger soupçon sur les intentions de la cinéaste : et si Fire avait eu pour buts principaux la (louable) provocation en Inde et, surtout, un gros succès commercial en Amérique du Nord ?

Quelle que soit la ou les réponses et malgré ses défauts - parfois majeurs, on l’aura compris - Fire, outre ses réelles qualités, aura eu l’immense mérite de provoquer le débat en Inde, d’avoir fait tomber les masques d’intolérance et, peut-être, d’avoir redonné courage à des millions de femmes. Rien que pour cela, Deepa Mehta peut être remerciée.

Philippe Serve

Toutes les séances auront lieu au Musée, 405 promenade des Anglais - Arénas - 06200 Nice.

Les séances de 14h30 seront présentées par Philippe Serve (Cinéma sans Frontières).

Renseignements : Musée (04 92 29 37 00) / CSF (04 93 52 31 29 - 06 64 88 58 15)