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Pakeezah (Cœur pur)

Dimanche 26 novembre à 10h30 et 14h30
Publié le dimanche 26 novembre 2006.


de Kamal Amrohi

1971, Couleur, Vo-stf, 120 mn

avec Meena Kumari, Raaj Kumar, Ashok Kumar

Grand classique populaire du cinéma indien, cette oeuvre mélodramatique et musicale, dans la meilleure tradition bollywoodienne, est aussi un film fort, à la beauté visuelle affirmée et au message social puissant, dénonçant l’hypocrisie de relations entre les classes.

Nargis est danseuse. Rejetée par la famille de son riche mari, elle s’enfuit et meurt de désespoir en mettant au monde une petite fille, Sahibjaan. Celle-ci est recueillie par sa tante et devient à son tour danseuse à succès. Courtisée par un prince, elle découvre un jour à son chevet dans un train un mot écrit par un admirateur inconnu. Elle se met à rêver à lui puis s’enfuit avant de le rencontrer. Mais elle va se heurter au même problème que sa mère...

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PAKEEZAH est l’un des grands classiques populaires du cinéma indien, une oeuvre mélodramatique et musicale dans la meilleure tradition bollywoodienne, mais aussi un film fort, au message social puissant et à la beauté visuelle affirmée. Alternant entre décors en carton-pâte et extérieurs aux couleurs vives, mêlant danses et musiques (chaque chanson est connue de tous les Indiens, qu’ils aient vu le film ou pas), le film régale les sens. La beauté des saris le dispute à celle des femmes et tout particulièrement celle de la star Meena Kumari. Son visage aux sourcils épais et noirs dégage une forte sensualité, magnifiée par les danses que l’actrice enchaîne avec grâce.

L’histoire, elle, dénonce ces nantis qui utilisent les artistes pour leur plaisir tout en les maintenant chez les proscrits et empêchent toute liaison amoureuse d’une classe à l’autre. Sur un scénario qui ne ménage pas les hasards les plus improbables voire les invraisemblances (l’un des traits caractéristiques des films bollywood), le réalisateur Kamal Amrohi réussit à éviter le surdosage et la lourde démonstration. Au contraire, PAKEEZAH (le film tire son titre du nom que donne Salim à Sahibjaan et qui signifie "coeur pur") demeure une œuvre retenue et maîtrisée malgré le cinémascope, les plans larges et la profondeur de champ.

De même, la qualité des danses et des chansons propulse le film au-dessus du tout-venant bollywoodien. Il faut dire que Meena Kumari est ici doublée (comme le veut la tradition du genre) par le rossignol indien, l’immense Lata Mangeshkar que nous avons déjà eu le plaisir d’entendre lors de ce festival "derrière" la grande Nargis dans Andaaz ou Mother India.

Certaines scènes de PAKEEZAH méritent de rester dans les mémoires, en tout premier lieu celle où Sahibjaan danse au mariage de Salim et où, désespérée qu’il lui tourne le dos car il ne veut pas voir ses pieds nus dont il était tombé amoureux, elle casse des verres et danse sur les éclats, meurtrissant ses symboles de séduction tout en tapissant le sol de traces de sang... Du grand art !

Le succès du film doit aussi beaucoup, comme déjà évoqué, à la formidable interprétation de Meena Kumari (mariée plusieurs années à Kamal Amrohi) qui, au-delà de son extraordinaire beauté, montrait au crépuscule de sa trop courte vie que sa réputation de Reine de la tragédie dans son pays n’était pas usurpée. A l’écran dès l’âge de 7 ans et vedette à partir de Baiji Bawra (Vijay Bhatt, 1952), Meena Kumari connut le drame dans sa vie personnelle presque autant qu’au cinéma : l’échec de son mariage, l’alcoolisme, des aventures à répétition avec des hommes plus jeunes qu’elle, la mort avant l’heure. Meena Kumari a laissé une trace indélébile dans l’histoire cinématographique de son pays. Une voix aux accents très érotiques mise au service d’une diction dont sourdait instantanément la promesse du drame s’alliait à une gestuelle corporelle flirtant avec les sommets de la coquetterie et de la séduction. Déesse de l’écran indien, celle qui avait illuminé le chef d’œuvre de Guru Dutt Saheb Beebi aur Ghulaam (1962), son plus grand succès personnel avec Pakeezah, fut aussi une poétesse en Ourdou, reflétant le raffinement et la grâce de toute la culture musulmane qui avait tant imprégné le cinéma hindoustani. Après plus de dix ans de gloire, la descente aux enfers pavée d’alcool de Meena Kumari l’écarta de toute activité. Son retour sur les écrans indiens au début des années 70 fut celui d’une morte en sursis et marqua le chant du cygne de toute une époque. L’âge d’or du cinéma indien était bel et bien terminé.

PAKEEZAH sortit sur les écrans le 4 février 1972. Le 31 mars, Meena Kumari mourait d’une cirrhose. Elle avait 40 and et 92 rôles derrière elle.

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Philippe Serve

Toutes les séances auront lieu au Musée, 405 promenade des Anglais - Arénas - 06200 Nice.

Les séances de 14h30 seront présentées par Philippe Serve (Cinéma sans Frontières).

Renseignements : Musée (04 92 29 37 00) / CSF (04 93 52 31 29 - 06 64 88 58 15)