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L’Etoile du Soldat

Vendredi 9 février 2007 - 20h30 - Mercury
Publié le vendredi 9 février 2007.


de Christophe de Ponfilly

2005, France, drame, 1h45

avec Sacha Bourdo, Patrick Chauvel, Mohammad Amin

11 septembre 2001. Du haut des montagnes afghanes, Vergos, journaliste français, apprend l’attaque des tours du World Trade Center par les terroristes d’Al-Quaida. Il se souvient...

1984. Nikolaï, jeune musicien soviétique, débarque en Afghanistan comme des milliers d’autres conscrits pour livrer une guerre qui n’est pas la sienne. La peur au ventre à chaque instant, il se retrouve plongé dans un monde de violence et de mort.

Le scénario de L’Etoile du soldat est inspiré de ce qu’a vécu le réalisateur lors de son arrivée clandestine en Afghanistan en 1984. Le jeune soldat russe Nikolaï interprété par Sacha Bourdo a réellement existé. Christophe de Ponfilly écrit d’ailleurs, dans le roman éponyme publié en 2006, qu’il a toujours gardé la photo de ce jeune soldat russe libéré par "ses amis afghans" puis tué par des Pakistanais. De plus, le nom du personnage interprété par Patrick Chauvel (Vergos) est celui d’un ami du réalisateur assasiné à Peshawar.

PRESENTATION DE LA SEANCE

Christophe de Ponfilly est mort le 16 mai 2006, suicidé à 55 ans. Son film est sorti le 22 novembre suivant. En guise d’hommage, quelques extraits de son livre "Caméra au poing", à paraître aux éditions Flammarion en 2007.

L’Afghanistan, un engagement porté au cinéma.

Cette fois, je ne viens pas en Afghanistan pour témoigner du lent et difficile processus de reconstruction, mais pour réaliser un film de fiction destiné au cinéma. (...) Un projet que j’avais depuis longtemps envie de réaliser, et que les événements de septembre 2001 ont rendu pressant, car les douloureuses années 1980 semblaient étrangement avoir été oubliées : ces dix années où les Soviétiques ont mis le feu à l’Afghanistan, engageant dans leur combat des soldats de l’armée gouvernementale afghane, chair à canon offerte par un régime communiste qu’ils avaient eux-mêmes placés au pouvoir lors du coup d’État d’avril 1978. Cette période de dix années de guerre soviéto-afghane, curieusement devenue un point aveugle de l’histoire contemporaine. En Afghanistan, un certain terrorisme, dit islamiste, a plongé ses racines, puisé des forces, se gorgeant de haine contre les démocraties, largement aidé, financé, encouragé par des Pakistanais et des Américains. Qu’on le veuille ou non, c’est une vérité qu’il faut assumer si l’on veut encore oser se réclamer des droits de l’homme, d’une Déclaration Universelle insuffisamment traduite. Pas assez lue, sans doute.

Un scénario tiré d’une histoire vraie

Je reviens, bientôt entouré de techniciens français, qui vont travailler avec une grande équipe afghane pour raconter, ensemble, une histoire vraie : celle d’un jeune Soviétique envoyé, en 1984, faire la guerre dans ce pays dont il ignorait jusqu’au nom. Un jeune Russe appelé Nikolaï, originaire de Kirjatch, petite ville à 100 kilomètres au nord-est de Moscou. Après une formation militaire à Tachkent, il se retrouve dans le bas de la vallée du Panjshir, au milieu de montagnes dont il n’avait même pas idée, pion parmi d’autres dans un camp retranché. Un jour, le jeune soldat se fait capturer par des Moudjahidin. Il rencontre un journaliste français venu enquêter sur ce que faisaient Soviétiques et Américains dans cet Afghanistan. Massoud avait décidé de libérer un prisonnier soviétique. (...) Il avait demandé à ses hommes, lorsque les conditions le permettaient, de préserver des vies. Nous avions accepté de l’emmener avec nous. C’était une folie, mais, dans le contexte où nous vivions alors, tout semblait évident, impossible à ne pas tenter. Nous avions toutefois réussi à franchir la frontière sans nous faire prendre par la police pakistanaise. (...) Hélas, le lendemain, lorsque nous revînmes dans la maison afin de l’amener dans une chambre que nous avions prise à l’hôtel, Nikolaï n’était plus là ! Un des responsables politiques du Jamiat’e islami, opposé à sa libération, l’avait fait déplacer dans une prison, quelque part dans la zone tribale. Nous avons protesté, menacé, crié à la trahison et au scandale. Impossible d’avoir accès à notre ami Nikolaï. Quelques semaines plus tard, alors que nous étions revenus à Paris, où Bertrand Gallet avait réussi à obtenir d’un proche de Mitterrand un laissez-passer pour Nikolaï, nous avions appris qu’il avait été assassiné lors d’une tentative d’évasion. Pour moi, cette histoire reste comme une plaie douloureuse. Un jeune, parmi tant d’autres, envoyé à la guerre dans un pays dont il ignorait même le nom, mort à 25 ans, pour rien. Étions-nous responsables de sa fin tragique ? Serait-il encore en vie s’il était resté parmi les hommes de Massoud ? Cette histoire me hantera longtemps. Elle me hante encore.

Du reportage à la fiction

En quelques jours, nous avons tourné la plupart des scènes avec le prisonnier soviétique. Une manière pour moi de faire partager à ceux qui verront le film, ce qu’était réellement le quotidien des moudjahidin de Massoud. Comment ils se cachaient, comment ils se nourrissaient, comment finalement, dans un contexte particulièrement dangereux, ils parvenaient à résister face à une armée aussi puissante. En 1984, lorsque je circulais de grotte en grotte, nous ne pouvions filmer de telles scènes car il faisait trop sombre dans ces lieux enfoncés dans la roche. Et si froid ! Les grottes étaient juste éclairées à la lampe à huile, parfois à la bougie. Aujourd’hui, avec l’équipe de techniciens très qualifiés qui m’entoure et un matériel d’éclairage conséquent, je m’offre ce rêve étonnant de pouvoir reconstituer ces moments du passé.

Montrer les “vrais Afghans“

Voilà les Afghans ! Pas ceux que les télévisions n’ont cessé de montrer avec leurs armes et leurs airs de tueurs. Pas ceux dont les portraits repoussants ont fini par se nicher dans les consciences des Occidentaux soumis à tant de réalités déformées, caricatures de vérités. Avec ce film, je vais, une fois encore, tenter de montrer “la vraie vie“. Pas le spectaculaire qui survient de temps en temps mais la banalité du quotidien et la fraternité qui a pu exister entre des Afghans et des prisonniers soviétiques.

Un tournage entre fiction et réalité

Nous sommes en Afghanistan, ce n’est pas encore vraiment la paix. Il y a des risques à y venir. Qu’importe ! Je crois à la magie des lieux, à la force des êtres. Impossible pour moi d’envisager de tourner ce film ailleurs. Ce sera ici, près de l’enfer pour certains. Ici, près de Massoud en qui j’ai cru. Dans un village appelé Tanbana, j’ai mis en scène ce qui avait dû se passer dans bien des endroits : la visite de l’armée afghane, encadrée par des soldats soviétiques. (...) La fiction, une fois de plus, se mêle à la réalité. Tout semble si vrai. C’est la magie du cinéma, sa force, son utilité aussi. De toutes les ruelles, une foule de villageois est amenée par les soldats afin que les hommes soient interrogés par l’officier afghan. Nos acteurs russes ont des têtes à faire peur. Les enfants afghans ne rient pas. Soudain un vieil homme du village vient protester qu’aucun soldat soviétique n’a réussi à mettre les pieds dans son village. Il se met devant les caméras et se dit choqué par ce que nous faisons. Un jeune Afghan le prend par le bras et entreprend de lui expliquer : “Grâce à leurs machines à faire des images, le monde entier verra que nous n’étions pas des fous, que le peuple afghan a été courageux, fier et digne et que nous n’avions pas demandé cette guerre.“

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Christophe de Ponfilly se rend en Afghanistan pour la première fois clandestinement, en juillet 1981, pour témoigner de la résistance du peuple afghan contre l’occupation soviétique. Son premier film de reportage, tourné dans la vallée du Panjshir Une vallée contre un empire, est diffusé par plusieurs télévisions à travers le monde. Lié à l’Afghanistan et impressionné par le combat de Massoud, Christophe de Ponfilly n’a jamais cessé de témoigner du drame afghan à travers les hommes et les femmes qui s’y trouvaient piégés. En 1984, revenu clandestinement dans la vallée du Panjshir dont les Soviétiques avaient détruit tous les villages, il réalise Les combattants de l’insolence qui lui vaut le Prix Albert Londres Audiovisuel en 1985. Puis deux films sur des prisonniers soviétiques : Les damnés de l’URSS et Soldats perdus. En 1987, il signe Massoud, portrait d’un chef afghan. Après le retrait des troupes soviétiques d’Afghanistan, Christophe de Ponfilly réalise, avec Frédéric Laffont, un film de deux heures sur les traces que cette guerre a laissées sur les Afghans et les Soviétiques : Poussières de guerre - Le chant des armes et le temps des larmes. Lorsque les Moudjahidin prennent Kaboul en 1992, ce film est plusieurs fois diffusé à la télévision afghane. En 1993, Christophe de Ponfilly revient filmer la guerre, cette fois dans la capitale afghane. Il réalise un carnet de voyage triste face à une guerre devenue honteuse : Kaboul au bout du monde. En 1997, choisissant l’aventure du documentaire subjectif, il réalise Massoud l’Afghan, film qui remporte un important succès international et démontre à quel point les Occidentaux, malgré leurs médias si puissants, ont été incapables de voir clair et d’aider les Afghans lorsqu’il fallait le faire.

En 20 ans Christophe de Ponfilly a réalisé plus de 40 films sur des sujets très divers et écrit des livres : Le clandestin dans la guerre des résistants afghans (1985), Poussières de guerre (1990), Massoud l’Afghan (1998), Vies clandestines, nos années afghanes (2001), Lettre ouverte à Joseph Kessel sur l’Afghanistan, une envie de hurler (2002), Scoops (2002), Femmes d’Asie Centrale (2004), L’Étoile du soldat (2006).

Plus de renseignements sur : www .interscoop.com

Le film sera précédé d’une présentation et suivi d’un débat avec le public.

Présentation et Animation : Philippe Serve


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