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Vendredi 30 avril : LEBANON

20h30 Cinéma Mercury - Nice
Publié le dimanche 25 avril 2010.


Film de Samuel Maoz - Israël, France, Allemagne - 1h32 - Vostf
Avec Yoav Donat, Itay Tiran, Oshri Cohen.

LION d’OR - Festival de Venise 2009

Présentation du film par Bruno Precioso*

* Animateur à CSF, Professeur d’Histoire.

Préambule : au sujet de la guerre du Liban

Le Liban (« la Suisse du Proche-Orient »), pays riche faisant figure jusqu’à la fin des années 60 de modèle de décolonisation réussie, aborde les années 70 en étant rattrapé par le problème majeur qui déstabilise la région : le statut d’Israël et la question palestinienne. Dans un contexte de corruption des fonctionnaires et de tensions inter-communautaires, le modèle institutionnel imposé par les Français au moment de l’occupation du Liban, le confessionnalisme, devient un argument pour attiser les tensions entre groupes ethniques et religieux.
Les groupes anciennement constitués cristallisent par ailleurs les influences étrangères : les Libanistes chrétiens, défendus par des milices appelées Phalanges, sont appuyés par l’Occident (et sont donc proches d’Israël) ; les sunnites, soutenant les réfugiés palestiniens, sont aidés par les Syriens ; les chiites ne se détacheront comme nouvelle force autonome qu’après la révolution iranienne pour constituer une branche armée autonome du Hezbollah.
A mesure que la tension entre Israël et les pays arabes s’accroît, la question des réfugiés palestiniens devient plus aigüe. Leurs camps dispersés dans la région constituant aux yeux d’Israël autant de bases-arrières abritant terroristes et armements, des actions sont menées à partir de la Guerre des six jours (1966-67) pour déloger et éloigner les Palestiniens : occupation de la Cisjordanie, pression sur la Jordanie pour détruire les camps (Septembre Noir, 1970)…
Le déplacement des combattants palestiniens de l’OLP trouve son épilogue au Liban pays trop affaibli pour s’imposer à eux. L’accord secret qui donne aux fédayins palestiniens le droit de poursuivre leur lutte contre Israël depuis le sol libanais achève d’enliser la situation. _ Sous forme d’attentats d’abord, puis de batailles rangées le plus souvent inter-communautaires, la guerre civile libanaise débute en avril 1975 et coupe Beyrouth en deux le long de la fameuse « ligne verte ». En 1976, la Syrie impose un cessez-le-feu et propose un rééquilibrage du partage des pouvoirs entre communautés appuyé par l’envoi de troupes qui s’installent dans une partie du pays ; leur présence est officialisée mais elles entrent en 1977 dans la guerre civile.
L’armée israélienne intervient une 1ère fois en 1978 au sud du Liban, pour « nettoyer » les camps palestiniens (opération Litani). Elle se retire néanmoins de presque tout le territoire conquis jusqu’en 1981. Au printemps, alors que les Phalanges chrétiennes et les Syriens s’affrontent au nord, Israël et la Syrie sont au bord de l’affrontement direct.
Le 3 juin 1982, un commando palestinien d’Abou Nidal blesse grièvement l’ambassadeur israélien à Londres, Shlomo Argov. Les représailles israéliennes au Liban dès le lendemain conduisent à l’escalade. Le 6 juin, l’armée israélienne déclenche l’opération Paix en Galilée. Les troupes de Tsahal traversent les lignes tenues par la FINUL de l’ONU, franchissent la ligne des 40 km nord initialement annoncée comme objectif limite par le ministre de la Défense Ariel Sharon et atteignent la capitale, où ils font leur jonction avec les Forces libanaises de Bachir Gemayel. Les troupes syriennes s’effondrent.
Environ une semaine après le début de leur invasion, les Israéliens commencent le siège de Beyrouth Ouest (200 000 civils) par un bombardement quasi-ininterrompu jusqu’au 21 août, date du départ de l’OLP pour Tunis. Le leader des phalangistes Bachir Gemayel, considéré comme l’homme fort du Liban, est élu président.
Sa mort dans un attentat au quartier général des Phalanges entraîne la terrible répression dans les camps de Sabra et Chatila (entre 700 et 3500 morts).
Les années 1982-1984 voient l’implication des Etats-Unis et de l’URSS dans le conflit, qui touche désormais tout le pays et mobilise les druzes des montagnes, puis les chiites du Hezbollah pro-iranien.
Le conflit ne connaît d’apaisement provisoire qu’en 1990 avec le départ du général Aoun, souhaité conjointement par les États-Unis et la Syrie. Depuis, la lente reconstruction du pays reste fragile et soumise aux influences voisines, comme l’ont montré les attentats récents contre les élus libanais ou la guerre-éclair menée – et perdue – par Israël au sud-Liban en 2006.

Un premier film à quarante-huit ans

Samuel Maoz est né en 1962 à Tel Aviv. Il a donc vingt ans lorsqu’il est engagé dans la guerre du Liban, mais ne traduit cette expérience traumatisante en long-métrage qu’en 2009. Lebanon , est d’ailleurs son premier long-métrage de fiction ; le coup d’essai est un coup de maître puisqu’il obtient le Lion d’or à la Mostra de Venise la même année.
Cette implication tardive dans le cinéma est paradoxale pour quelqu’un dont la passion avouée pour la pellicule est ancienne, et les premières expériences de tournage remontent à ses douze ans – avec une caméra super-8 offerte pour sa bat-mitzvah.
C’est la structure même du milieu cinématographique israélien, dont les débouchés sont très faibles, qui explique la lenteur de cette éclosion. Malgré des études de cinéma réussies, la production de films israéliens à la fin des années 80 ne dépasse guère deux long-métrages par an. Samuel Maoz se contentera de travailler dix ans comme décorateur pour le cinéma et la télévision, s’essayant sans succès à l’écriture de scénario.
Puis la publicité lui donne l’occasion de se familiariser avec le maniement de la caméra, le travail du champ et du hors-champ, la perspective ; les six années de réalisation publicitaires ne furent donc pas inutiles, mais lorsqu’enfin Samuel Maoz se voit confier en 2000 la réalisation d’un documentaire pour Arte, Totale eclipse, sur le chorégraphe Ohad Naharin, il a conscience d’avoir besoin de rompre avec les impératifs et la logique de la publicité qui l’ont jusque là nourri. La liberté dont il bénéficie pendant la réalisation de son documentaire lui rend d’autant plus impossible un retour vers les contraintes passées.
Une fois achevé Totale eclipse, et fort du succès international de l’œuvre célébrée en Amérique du Nord, en Europe et en Israël même, il décide de réaliser sa première fiction, conscient qu’il aura alors à dépasser les démons guerriers qui ont hanté ses premières tentatives de scénarios. Dès 1985-86 en effet, les scénarios abandonnés à chaque fois assez tôt incitaient Samuel Maoz à renouer avec ses souvenirs de guerre, mais jusqu’à Lebanon, aucun n’avait abouti même à une esquisse réutilisable par la suite.

De l’autobiographie au cinéma

Comme dans le magnifique Valse avec Bachir qui le précède de peu, la forme prend dans Lebanon une place prépondérante. Il ne s’agit nullement d’esthétisation gratuite. Le travail de mise en forme restitue toute sa force au questionnement fondamental qu’impose le fond : part de l’autobiographie, partage d’une expérience éminemment intime, nécessaire exorcisme du traumatisme subi par un homme jeune précipité avec brutalité dans une réalité en cours qui le dépasse.
Chez Samuel Maoz pourtant, nul besoin d’intrigue ou de fil rouge ; il n’y a pas de narration, pas de reconstruction progressive comme chez Ari Floman. La mémoire est présente aussi mais de manière morcelée, sous forme d’anecdotes détachées de toute actualité.
Le huis-clos du char constitue un espace mental paradoxal, à la fois lieu d’une prise de conscience par le face-à-face et d’une fuite dans la paralysie, le déni, l’affrontement.
Pour restituer et faire partager la tension intérieure qui fut la sienne, Maoz impose à sa caméra des cadrages très serrés qui s’attardent à la limite du dérangeant, de prises de vue inattendues jouant sur les perspectives et la profondeur ; le monde extérieur, en hors-champ, ne cesse pourtant de faire irruption dans ce blindé ouvert à tous les vents. C’est la force de l’expérience d’enfermement que suppose le char : le peu d’ouvertures offertes au regard ne donne accès qu’à plus insoutenable que la réclusion elle-même, et les yeux n’ont guère le choix qu’entre fascination de l’horreur et refoulement dégoûté.

Dans une interview accordée à Positif, Samuel Maoz déclare au sujet de Cedar, Folman et lui : « Nous sommes la première génération à être nés en Israël, et nos intérêts sont moins centrés sur le pays, le collectif, la patrie, que sur nous-mêmes. Comment construire sa vie en Israël aujourd’hui ? C’est la question de notre cinéma. » C’est la question que chacun est invité à se poser, devant ce film qui laisse à chaque spectateur le soin de rassembler les éclats de vie, de sons, de messages codés, de souvenirs, d’émotions qui envahissent le char de Lebanon, pour en faire une expérience propre ; pas forcément agréable, mais essentielle.

Présentation du film et animation du débat avec le public : Bruno PRECIOSO

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