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VENDREDI 18 SEPTEMBRE 2015 : UNE BLONDE ÉMOUSTILLANTE

20h30 Cinéma Mercury - 16 place Garibaldi - Nice
Publié le mardi 15 septembre 2015.


Dans le cadre du 1° Festival de Cinéma Tchèque à Nice

Jiri Menzel

Tchécoslovaquie - 1980 - 1h38 - vostf

Comment dans les années vingt, Marja, la jeune femme de Francin qui dirige la brasserie d’un petit village de Tchécoslovaquie, met le pays en révolution. C’est Pépin, frère de Francin, qui inspire la jeune Marja fantasque qui coupe ses jupes et ses cheveux et va même jusqu’à couper le pieds des meubles. C’est le règne de la fantaisie au grand désespoir de Francin qui finalement finira par fondre devant sa blonde émoustillante.

Article de Josiane Scoleri :

Une blonde émoustillante de Jiri Menzel n’appartient plus, à proprement parler à la Nouvelle Vague tchèque puisqu’il voit le jour en1980, c’est à dire bien longtemps après le Printemps de Prague, mais il en garde l’esprit impertinent qui prenait déjà à rebrousse-poil les autorités et le pouvoir établi. Jiri Menzel s’est fait connaître par Trains étroitement surveillés, sorti en 1966 qui était déjà une adaptation d’une œuvre de Bohumil Hrabal et qui traitait sur le ton de la comédie des absurdités du système avec des trains qui n’arrivaient jamais ou qui partaient quand ce n’était pas prévu. Tous les dysfonctionnements d’un système bureaucratique et totalitaire étaient mis à jour, l’air de ne pas y toucher sans quitter le quai d’une petite gare de campagne. Mais le film se passe pendant la deuxième guerre mondiale. Il y est question d’occupation nazie et de résistance, ce qui déjà situe le film dans un autre temps - et une époque inattaquable sur le plan de l’idéologie soviétique-. Et puis, surtout, le scénario se concentre apparemment sur le jeune Milos, les affres du pucelage et les mille contorsions nécessaires pour le perdre. C’est-à-dire à mille lieux de l’actualité et du politique.

Avec Une Blonde Emoustilante, on retrouve, mutatis mutandis, un peu les mêmes ingrédients. Une époque historique, encore plus lointaine, puisque nous sommes à la fin de l’Empire austro-hongrois, juste avant l’indépendance de la République tchèque. Un personnage principal attachant, ici la belle Maryzka et mille situations cocasses qui ont trait à la fois à son caractère et à son environnement. Le sous-texte est ici nettement plus discret et n’apparaît que de loin en loin avec des allusions glissées furtivement ici et là, sur des événements historiques, des faits de société, des découvertes scientifiques, etc... Mais ces allusions, pour être légères n’en sont pas moins constantes. Une Blonde émoustillante est un film à la fois charmant et charmeur, une comédie véritablement pétillante qui garde son peps de la première à la dernière scène. C’est en même temps un film très tendre, tendre avant tout avec ses personnages, leurs travers, leurs côtés ridicules, leurs exploits microscopiques, leurs excès surprenants. Ces mille et une petites choses de la vie qui dévoilent leur humanité et les rendent tous aimables, chacun à leur manière, à un moment où à un autre. En effet, même si le film est entièrement construit autour de ce personnage de jeune femme fantasque dont la liberté de ton et de mouvement tranche singulièrement avec son milieu et son époque, tous les personnages qui tournent autour d’elle sont traités avec la même délicatesse et le même soin apporté aux détails. C’est ainsi que prend corps sous nos yeux toute cette petite société de notables de province, le médecin, le pasteur et tous les membres du Conseil d’administration de la Brasserie. Celle-ci est en soi un microcosme qui reflète parfaitement la société tchèque, avec ses différentes strates et/ou classes, la bière étant le symbole national par excellence, au même titre que le cochon qui nous vaut une scène d’ouverture mémorable. Les ouvriers qui sont encore des artisans, tonneliers ou brasseurs, le gérant qui dans un autre registre, s’avère un personnage tout aussi atypique que sa femme, la belle Mazytza, sans oublier l’irruption tonitruante de Pepin, l’électron libre, asocial, déclassé sans doute, mais irrécupérable pour le système. Aussi timide que sa femme est extravertie, Franzin est en fait un doux rêveur qui a de la suite dans les idées. Jiri Menzel tire habilement parti de cette période charnière de l’histoire qui signe l’entrée dans la modernité, avec son cortège d’inventions techniques, sa foi dans le progrès, son higiénisme, mais aussi l’évolution des mœurs et des mentalités qui pointe le bout de son nez. Là aussi, le film procède par petites touches sans se départir de son côté léger, ironique , dans un mélange finalement plus subtil qu’il n’ y paraît entre réflexion et dérision. La mise en scène s’articule en une longue séquence de saynètes qui toutes rendent hommage à l’une ou l’autre forme de comique : de mot, de situation, de répétition allant des gags les plus burlesques (l’homme à tout faire qui enchaîne accident sur accident) aux clins d’œil coquins (la scène d’auscultation du toubib transformé en patient extatique, vraiment très drôle ), en passant par de multiples surprises alliant le plus improbable au réellement poétique. Que ce soit par exemple, le timide Franzin sur sa moto pétaradante ou la très belle scène où Pépin et Maritzka escaladent la cheminée de l’usine. En fait, chaque scène, chaque gag même fonctionne sur ce principe des multiples niveaux de sens dont la comédie constitue l’inébranlable soubassement. Les petits cadeaux que se font à plusieurs reprises Franzin et Maritzka fonctionnent à cet égard comme de parfaits révélateurs de ce principe. Tous plus incongrus les uns que les autres, ils suscitent d’abord l’étonnement du spectateur. Ils s’avèrent en réalité extrêmement significatifs de leur époque et plus encore de leur relation amoureuse. L’enfile-aiguilles, l’extenseur de musculation ou plus encore l’étrange appareil à ozone sont les symboles inattendus de cette fascination pour l’objet porteur de mille promesses et donc forcément doté d’une forte charge érotique. (cf la mise en scène de leur apparition qui suit à chaque fois le même rituel entre mari et femme).

Une blonde émoustillante est un film où il faut impérativement se garder de se contenter d’un regard superficiel qui tendrait à le cataloguer comme un pur divertissement dépourvu de substance. Sous ses airs de comédie légère, il aborde par des biais imprévisibles mille sujets tout ce qu’il y de plus sérieux. Par exemple, les débuts de la publicité avec les slogans gentiment calligraphiés par Franzin de sa belle écriture appliquée ou la répétition à tout propos de la marque de la moto. Dans un autre registre, les relations hommes-femmes et plus encore l’émancipation des femmes face au conservatisme et aux préjugés . L’indépendance de la République avec la mention en passant du mouvement "Sokol patriotique ", une curieuse invention tchèque qui alliait gymnastique et libération du corps à la libération du pays.,etc...Et puis tout d’un coup, le film s’accélère, la modernité entre véritablement en trombe avec une accumulation de plus en plus rapide d’inventions décoiffantes , la radio, le tracteur, etc.. qui diminuent les distances ou réduisent le temps de travail. Tout d’un coup le mot d’ordre est "RACCOUCIR". Tout y passe jusqu’à la magnifique chevelure de Maritzka qui était jusqu’ici un véritable personnage du film. Maritzka est transformée. Une nouvelle époque commence pour le pays et pour le couple. La toute dernière scène qui peut sembler tout d’un coup digne du mélo le plus sirupeux est en fait un dernier clin d’œil du cinéma sur lui-même et les codes immuables du happy end.

« Au cinéma le nom de Jiří Menzel est lié à celui de Bohumil Hrabal, depuis la Mort de M. Baltazar (Smrt pana Baltazara, 1965), Les Petites perles au fond de l’eau (Perličky na dnĕ, 1965) jusqu’à Alouettes sur le fil (Skřivánci na niti, 1969) en passant par les Trains étroitement surveillés (Ostře sledované vlaky, 1966)... Le sentiment, chez Hrabal, de l’absurdité tragi-comique du quotidien trouvait son complément chez Menzel qui considérait la vie avec une ironie savante et témoignait envers les anti-héros de ses films d’une compréhension philosophique. » (Antonin Liehm, Le Cinéma de l’Est de 1945 à nos jours, Édition du Cerf, 1984). Le scénario du film Une blonde émoustillante (Postřižiny) s’inspire de « La chevelure sacrifiée » de Bohumil Hrabal.

En effet, « Dans les années soixante, les jeunes cinéastes s’identifient aux textes de Hrabal. Ils les comprennent aussi comme un appel à une autre forme d’adaptation littéraire : il n’est plus possible désormais de raconter simplement et de suivre pieusement l’œuvre écrite. Aucun réalisateur ne veut « illustrer » mais bien « interpréter » l’œuvre littéraire. Il l’analyse de manière créative, la pousse hors de ses limites, quitte à abandonner quelques personnages ou quelques situations. Il s’agit avant tout de rester fidèle à l’esprit du roman. Hrabal aime mettre en relief l’étrangeté et la magie quotidienne au travers de monologues sans fin, où ses personnages proposent des conceptions de la vie originales et pleines de fantaisie. Il appelle cela « palabrer ». En palabrant, les personnages expriment des états d’âme qui révèlent des prises de conscience dignes du Stephen Dedalus de James Joyce. Comme Joyce, Hrabal élimine absolument toute description, le lecteur doit reconnaître les contours du monde et des personnages évoqués au travers d’une avalanche d’informations, regroupées sur le principe de l’association, sans chronologie, et sans relations causales. Les personnages de Hrabal discutent, mais ils ne dialoguent pas, ils soliloquent, s’écoutant eux-mêmes. Hrabal est extrêmement positif, c’est un humaniste, et ce sont probablement les deux seules choses qu’il faut respecter lorsque l’on adapte ses œuvres. Hrabal est persuadé que n’importe quel être humain, aussi isolé, perdu ou banni soit-il, recèle au plus profond de son âme une partie de Dieu, c’est cette « petit perle au fond », visible seulement pour celui qui sait écouter et observer attentivement, sans conformisme ni préjugés. » (Zdena Škapová, « La cinématographie tchèque : littérature et cinéma, et plus particulièrement dans les années soixante ». In Le Cinéma tchèque et slovaque, cinéma/pluriel Centre Georges Pompidou, 1996).

Jiri Menzel appartient à l’heureuse génération de cinéastes qui, vers la fin des années soixante du siècle écoulé, ont fait naître ce que l’on aimait appeler « la nouvelle vague tchécoslovaque ». Génération représentée par les noms de Milos Forman, Vera Chytilova, Evald Schorm, Pavel Juracek, Jan Nemec, Ivan Passer et autres. Comme Jiri Menzel, ils ont tous suivi une formation à la FAMU, l’Ecole de cinéma de Prague. L’invasion des chars russes, en août 1968, écrase le fameux Printemps de Prague et interrompt la carrière de nombreux artistes tchèques. Jiri Menzel et d’autres réalisateurs de sa génération ne font pas exception. Dans la seconde moitié des années soixante-dix, Jiri Menzel recommence à tourner. A l’orée de la forêt », Une blonde émoustillante , Mon cher petit village sont des comédies tendres qui remportent, beaucoup de succès auprès du public.

...« L’histoire que raconte le film n’a pas tellement d’importance. Menzel nous propose des petites tranches de vie un tantinet nostalgiques. Le tout découpé à même le plus ordinaire des quotidiens. Le point de vue du réalisateur, on le trouve dans la personne du médecin. C’est à travers son regard indulgent qu’évolue devant nous tout ce brave monde. Avez-vous remarqué qu’on trouve assez souvent la présence d’un médecin dans les films de Menzel ? D’ailleurs, lui-même a joué le rôle du docteur Brabec dans Trains étroitement surveillés. Dans Une blonde émoustillante, le docteur Gruntorad est joué par Rudolf Hrusinsky. On retrouvera le même acteur jouant le rôle d’un médecin dans Mon beau village. Gruntorad est aussi le patron de la brasserie. Et ce qui ne gâte rien, notre médecin a un certain sens de l’humour. Comme pour s’excuser de fausser compagnie à Marja, il invoque le fait qu’il doit aller soigner « deux parturientes et une colique vésiculaire ». Dans ce film, les personnages sont bien assis sur un coussin de sympathie. Chez Menzel, humour rime profondément avec amour. Il aime les petites gens. Ceux et celles qui doivent conjuguer leur labeur avec le train-train quotidien. Sans cacher leurs travers, il ne s’adonne pas à la caricature méchante. Au contraire, il regarde à travers les lunettes de la bienveillance de notre médecin ce petit monde qui a comme une tendance naturelle à se prendre pour le gardien de ses semblables. Son ironie deviendra un peu mordante face au manque d’efficacité des pompiers volontaires et des moyens de locomotion. Nous sommes en Tchécoslovaquie... » (Janick Beaulieu, Séquences n° 135/136)


Présentation du film et animation du débat avec le public : Jiri Menzel, Josiane Scoleri et Pascal Gaymard.

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