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Whisky

Vendredi 07 janvier 2005 - 20h45 - Cinéma Mercury
Publié le vendredi 7 janvier 2005.


de Juan Pablo REBELLA et Pablo STOLL (Uruguay, 2004, 1h40, vo-stf)

avec : Andres Pazos, Mirella Pascual, Jorge Bolan

Le gérant d’une fabrique de chaussettes demande à l’une de ses employées de se faire passer pour son épouse avant le retour de son frère au pays...

Compte-rendu du débat :

La première intervention met l’accent sur la mélancolie du film, un certain délabrement qui reflètent selon ce spectateur ce qu’il avait ressenti lors d’un séjour d’une dizaine de jours en Uruguay. Un pays considéré il n’y a pas si longtemps comme la « Suisse de l’Amérique Latine », visiblement laminé par les années de dictature. Un autre spectateur dira plus tard dans le débat que loin d’être un film sur l’Uruguay, ce film est avant tout un film sur la solitude, et la difficulté des êtres à communiquer.

L’animatrice demande si quelqu’un dans la salle a été pris à rebrousse poil par le film, par sa lenteur et son minimalisme. L’un des spectateurs répond qu’avec ce film, les deux réalisateurs ont sans doute trouvé la manière de sortir de leur petit pays et de courir les festivals internationaux, sous- entendant que le film ne dit pas grand chose, point de vue qui sera repris par une spectatrice.

S’en suit tout un débat sur le non-dit dans le film. Le non-dit qui fait ressortir tout ce qui est en creux dans le scénario, dans les images. L’utilisation de la répétition (situations, dialogues qui tournent au rituel) fonctionne comme un ressort comique, tout en brossant le tableau pathétique d’un quotidien privé de perspective. Plusieurs spectateurs insistent sur l’aspect « ouvert » du film, qui laisse beaucoup de questions en suspend et se garde bien de donner des réponses. Notamment, la question de savoir « Que devient Marta ? » . Plusieurs suites possibles sont évoquées : Elle réalise son rève et part visiter les chutes d’Iguazu. Ou encore (version noire) elle sombre dans la dépression et se suicide. Et bien sûr le « happy end » pointant le bout de son nez : Elle part au Brésil retrouver Hermann.

Philippe notre animateur, spectateur cette fois-ci, souligne à quel point , au cinéma, lenteur n’est pas synonyme d’ennui, et pointe la parenté avec Kaurismaki (humour pince sans rire, attention au détail, etc.) tout en faisant plus tard dans le débat le lien avec le théâtre de Beckett.

Le débat se centre ensuite davantage sur les personnages, la rivalité/opposition entre les deux frères, Marta entre les deux, prise entre son lien de subordination à son patron et une certaine « liberté » : la manière dont elle s’interrompt dans son travail pour fumer ( avec des airs de Marlène Dietrich dira un des spectateurs), sa curiosité face à l’irruption d’une situation nouvelle dans sa vie (notamment à l’hôtel, cf scène de la piscine), sans oublier sa capacité à parler à l’envers. Elle fait preuve d’une ouverture étonnante, puiqu’elle va rejoindre le frère, Hermann, dans sa chambre. Tous les spectateurs soulignent la remarquable performance des acteurs. Jacobo, tout entier dans la frustation, qui explose littéralement tout d’un coup en une bordée d’injures pendant le match de foot. C’est le seul moment où il se lâche. Sinon, c’est le règne du refoulement perpétuel à l’ombre du fantôme -omniprésent- de la mère. Hermann, qui joue tellement à celui qui a réussi et qui est bien dans sa peau, qu’on n’arrive pas vraiment à le croire à 100% .

Enfin, plusieurs personnes soulignent la liberté de ton des réalisateurs, qui visiblement se font plaisir, avec entre autres leurs cadrages « décalés » et qui du coup nous font plaisir aussi. En conclusion donc, un débat animé et très fluide suscitant des questions et des prises de position très variées, comme on les aime à Cinéma Sans Frontières.

Élise Domenach

Le film sera précédé d’une présentation et suivi d’un débat avec le public.

Animation : Josiane Scoléri


Affiche du film - Cliquez pour agrandir