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DIVORCE A L’ITALIENNE

Vendredi 11 décembre 2009 - 20h 30 - Cinéma Mercury - Nice
Publié le vendredi 4 décembre 2009.


Film italien de PIETRO GERMI - 1961 - 1h44 - Vostf


Divorzio all’italiana

LE PROTOTYPE MÊME DE LA COMEDIE A L’ITALIENNE.

par Philippe Serve

Imaginez… Vous êtes né(e) de l’autre côté des Alpes. Marié(e), vous constatez que l’amour pour votre conjoint(e) a fait long feu. Et puis vous avez rencontré quelqu’un d’autre avec qui vous souhaitez refaire votre vie. Il vous faut donc divorcer. Nous sommes au début des années 60. Mamma mia ! Impossible, l’Etat italien vous interdit le divorce. Pourquoi ? Parce que le Pape et l’Église l’ont dit : un mariage, c’est pour la vie et basta. Les Démo-chrétiens au pouvoir ne vont quand même pas faire de la peine au Pape… Pas d’issue ? Non, à moins de s’appeler Carlo Ponti, producteur majeur du pays (Rossellini, Fellini, De Sica), marié depuis 1947 et qui choisit d’aller épouser en seconde noce la star Sophia Loren à Mexico en 1957. Mariage annulé par l’Etat italien mais divorce accordé exceptionnellement par le Pape Paul VI lui-même en 1966… Oui, mais vous n’êtes pas le riche Carlo, ni la belle Sophia. Alors ? Pietro Germi vous propose une solution, certes liée à la condition d’être Sicilien(ne). Formule originale basée sur le déshonneur et, par conséquent, le droit absolu – le devoir, même ! – de rétablir l’honneur bafoué. Imparable ? Voir le film Divorzio all’italiana pour le savoir…

Avec ce film, naît un nouveau terme cinématographique, celui de la commedia all’italiana , la Comédie à l’italienne. Certes, celle-ci n’a pas attendu pour exister les (més)aventures du comte Cefalu dit Féfé, incarné avec maestria par le génial Marcello Mastroianni. Découlant de ce que l’on nomme le néo-réalisme rose, avatar optimiste du néo-réalisme d’après-guerre, la comédie qui n’est encore qu’italienne et pas encore « à l’italienne », a déjà triomphé avec des films tels que Le Pigeon (I soliti ignoti, Mario Monicelli,58), La Grande guerre (La grande guerra, Monicelli, 59), La Grande Pagaille (Tutti a casa, Luigi Comencini, 60) ou Une Vie difficile (Una vita difficile, Dino Risi, 61). En ce début de décennie, l’Italie n’est plus celle, misérable et meurtrie, de l’immédiat après-guerre. Imposer au public des visions aussi désespérées et pessimistes que celles des chefs d’œuvres du néo-réalisme – Rome, ville ouverte, Sciuscia, Le Voleur de Bicyclette, Riz Amer, etc. – n’est plus possible. Les Italiens, volontairement oublieux des longues années de fascisme soutenu si fort par la grande majorité d’entre eux, veulent désormais goûter au modernisme teinté d’american way of life. La bonne humeur naturelle des compatriotes du comique Toto reprend le dessus et le cinéma se doit de suivre

Vittorio de Sica est le premier à comprendre et à anticiper cette inévitable évolution avec Miracle à Milan (Miracolo a Milano, 1950, Grand Prix cannois l’année suivante), première œuvre de ce néo-réalisme rose voué aux gémonies par les critiques pour trahison envers le genre. Même si De Sica semble faire amende honorable deux ans plus tard avec Umberto D, revenant aux sources, le sens de l’Histoire est avec lui. L’émouvant récit du vieux retraité et de son chien s’avère le chant du cygne du néo-réalisme pur et dur, confirmation apportée la même année par l’excellent Deux sous d’espoir (Due soldi di speranza, Renato Castellani, 52), peut-être la plus belle illustration de cette « rosification », récompensée à son tour par le Grand Prix – qui remplaçait alors la Palme d’Or - à Cannes. La voie s’ouvre alors pour la comédie, libérée de toutes ses entraves. Si l’arrière-fond social reste souvent populaire, voire enraciné dans les milieux les plus défavorisés de la société (Le Pigeon et sa bande de chômeurs reconvertis en – très – piètres voleurs, en constitue le plus bel exemple), il n’y a plus d’obligation et le rire va peu à peu attaquer toutes les couches de la société. La classe ouvrière n’est plus la seule à occuper l’espace de ce genre nouveau. La petite puis la moyenne bourgeoisie se retrouvent à leur tour au centre de la cible et voient leurs valeurs malmenées de toute part dans de grands éclats de rire toujours plus impitoyables. Impitoyables, car la marque particulière de ce qui va bientôt devenir cette fameuse comédie à l’italienne est sans conteste sa cruauté, son cynisme, son sens du grotesque et ce génie particulier pour traiter par le rire et l’absurde de situations objectivement dramatiques, voire tragiques. C’est ici en fait que réside la particularité du « à » de l’expression. Une comédie à l’italienne n’est pas une simple comédie italienne car elle ne repose pas sur les mêmes critères, la présence et la représentation de la monstruosité (des personnages autant que des situations) en étant un fondamental.


« Oh, les beaux jours ! », de Beckett ? Non, « Divorce à l’italienne. »

Ce véritable tournant du cinéma italien, nul ne saurait mieux l’incarner que Pietro Germi. Ce Gênois de naissance mais Sicilien d’adoption a commencé sa carrière comme un pur représentant du néo-réalisme, même si lui ne s’est jamais vécu ainsi. Il faut dire qu’à cette influence trempée dans l’époque, vient s’y ajouter celle du cinéma de John Ford que Germi admire et que démontrent ses premiers films, tels que Il testimono (1946), Gioventu perduta (47) et surtout In nome della legge (Au nom de la loi, 49) et Il cammino della speranza (Le chemin de l’espérance, 50). Au nom de la loi est un véritable western fordien, sicilien et néo-réaliste. La mythique Monument Valley a laissé place aux paysages désertiques de Sicile et le héros est un jeune juge, équivalent de shériff, qui croit en la Loi et veut l’imposer à la maffia locale, hors-la-loi se déplaçant à cheval. Le plus étonnant est que cette fusion entre l’univers fordien et celui du néo-réalisme marche parfaitement bien. Germi va néanmoins plus loin dans ses films que la plupart des réalisateurs du néo-réalisme. A l’inverse d’eux, il ne se contente pas d’établir de sombres tableaux de la réalité mais propose des solutions aux problèmes. La vérité oblige à dire que celles-ci ne sont guère convaincantes. Les films tournés à la fin des années 50 voient Germi recentrer ses thèmes autour de la famille mais toujours avec les pieds bien ancrés dans le néo-réalisme.

Cinq années séparent L’uomo di paglia (L’homme de paille, 57) du film qui marquera le grand tournant de sa carrière. En attendant, il refait l’acteur, entre autres dans La Viaccia (Bolognini, 61) mais aussi sous sa propre direction pour un polar à l’américaine, Un maledetto imbroglio (qui devient en français… Meurtre à l’italienne, 59). Il y tient le rôle principal, celui d’un inspecteur de police intègre, au côté de la déjà talentueuse Claudia Cardinale. La rupture cinématographique s’opère donc avec ce Divorce à l’italienne, dominé par la performance haut de gamme de Marcello Mastroianni, cheveux gominés, petite moustache et rictus au coin des lèvres, et par l’irrésistible charme adolescent d’une toute jeune actrice (même pas 15 ans lors du tournage), future grande comédienne – et l’une des plus séduisantes – du cinéma transalpin, Stefania Sandrelli. Le film est un triomphe et remporte un Oscar. Pietro Germi transforme l’essai avec ses deux films suivants. Sedotta e abbandonnata (Séduite et abandonnée, 64) où il dirige à nouveau la jeune Stefania, puis Signore e signori (Ces messieurs dames, 65) dans lequel il met en valeur les plus beaux yeux du cinéma italien (désolé, Sophia ou Ornella…), ceux de Virna Lisi.
Ce virage vers la comédie n’a pourtant pas éloigné Germi de ses préoccupations sociales ni de la Sicile qui continue à le fasciner. Les trois films précités en sont la preuve. Mais désormais, l’approche et le style ont changé, le choix de la satire, de l’humour noir, du grotesque et de l’absurde s’est imposé à lui et personne ne s’en ait jamais plaint.

Philippe Serve

Marcello et Stefania

Pietro Germi

La séance est précédée d’une présentation et suivie d’un débat avec le public.
Animation : Philippe SERVE.

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