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Dimanche 05 FÉVRIER 2012 - VIRIDIANA

17h30 Cinéma Mercury - 16 place Garibaldi - Nice
Publié le dimanche 29 janvier 2012.


Film de Luis Buñuel

Espagne - 1960 - 1h30 - vostf

10ième Festival annuel autour du thème : Cinéma et Censure(s)

La jeune Viridiana souhaite entrer au couvent, mais la mère supérieure exige avant tout que la jeune femme aille rendre visite à son vieil oncle et bienfaiteur Don Jaime. Celui-ci, troublé par la ressemblance de sa nièce et de sa femme décédée, tente d’abuser sexuellement de la jeune femme. Choquée, Viridiana s’enfuit mais apprend que son oncle s’est suicidé. Se sentant coupable la jeune femme décide de revenir au domaine et de dédier sa vie à aider les gens pauvres. Elle héberge donc les mendiants du village dans la maison de son oncle dont elle a hérité à sa mort...

C’est un télégramme de Gabriel Figueroa lui proposant de mettre en scène "je ne sais quelle histoire de jungle", qui fut à l’origine du projet Viridiana. Refusant l’idée originale, Luis Buñuel a obtenu du producteur Gustavo Alatriste une entière liberté d’écriture. Aidé de son ami Julio Alejandro, il a ainsi décidé de développer une ancienne rêverie érotique, dans laquelle il abusait de la reine d’Espagne grâce à un narcotique puis y a greffé une seconde histoire : celle d’une sainte italienne dont il avait lu la vie dans une revue chez les Jésuites. Ainsi est né le scénario provocant du film : "L’idée d’avoir à sa merci une femme endormie me semble très stimulante. Je peux la réaliser dans l’imaginaire, mais dans la pratique, cela me fait peur", confiait Buñuel.

Lorsque le producteur Gustavo Alatriste a proposé à Luis Buñuel de tourner en Espagne, ce dernier n’a accepté qu’à la condition de travailler avec la société de production du cinéaste Juan Antonio Bardem, connue pour son esprit d’opposition au régime franquiste de l’époque. Malgré les vives protestations au Mexique des émigrés républicains, le film fut tourné durant huit semaines, en studio à Madrid, puis dans une propriété hors de la ville. Le cinéaste a été qualifié de "traitre" par les opposants à la dictature espagnole, jusqu’à la projection officielle du film qui leur a fait changer d’avis.

Présente sur le tournage de Viridiana, la soeur de Buñuel raconte les conditions d’existence de son frère, qui dormait fenêtres ouvertes, à même le sol, malgré les quatre lits de l’appartement de la Torre de Madrid. Quittant sa table de travail pour admirer le paysage près de la Casa Compo et du Palais Royal, le cinéaste aimait regarder le soleil se lever sur la ville. D’une patience d’ange, Luis Buñuel avait l’habitude de changer les données de son scénario pendant le tournage et a choisi de tourner avec les authentiques "costumes" désinfectés mais non lavés des vagabonds de la ville, qui ont reçu en échange des vêtements neufs. A la mort de leur frère Alfonso, la soeur du metteur en scène a dû quitter le tournage du film et l’existence qu’elle y menait en famille.

Si après Belle de Jour et Nazarin, Luis Buñuel a retrouvé Francisco Rabal sur Viridiana, c’est en revanche sa première collaboration avec Silvia Pinal et Fernando Rey. Le cinéaste retrouvera par la suite la première dans L’Ange exterminateur et Simon du désert et dirigera le second dans Tristana et Cet obscur objet du désir. Dans ses souvenirs de tournage, Buñuel évoque avec plaisir les acteurs amateurs de son film et plus précisément celui qui jouait le rôle du lépreux : "Il échappait à toute direction d’acteur et pourtant je le trouve merveilleux dans le film", confie t-il, évoquant son naturel et ses fréquents moments d’égarement. Scandalisé en apprenant que ce dernier était moins payé que les autres acteurs, le metteur en scène a exigé un juste retour des choses auprès des producteurs. Un jour, reconnu par deux touristes français dans la ville de Burgos, le singulier personnage aurait rassemblé ses affaires et jeté son baluchon sur son épaule en déclarant : "Je vais à Paris ! Je suis connu là-bas !." Il mourut en route, raconte Buñuel.

C’est en voyant des chiens marchant attachés à l’essieu des charrettes au moment des repérages que Buñuel, impressionné, a décidé d’en parler dans son film. Le personnage joué par Francisco Rabal demande au charretier pourquoi il ne les met pas à l’intérieur, ce qui donne lieu à un dialogue comparant les chiens et les mendiants et permet au cinéaste de questionner au sein de son film les limites de la charité chrétienne. De même, le "couteau-crucifix" du film est né au hasard d’une trouvaille de Buñuel dans une boutique d’Albacete. Loin d’avoir une fonction blasphématoire pour le cinéaste, son usage a néanmoins entraîné l’interdiction de ces objets en Espagne : "Je me souviens qu’une religieuse de Saragosse portait accroché à son chapelet un petit couteau-crucifix comme ceux-là pour éplucher des pommes. Un Christ fonctionnel et très pratique, vous ne trouvez pas ?", plaisante le cinéaste.

Dans une première version du film, la fin montrait Viridiana frappant à la porte de son cousin. Elle l’ouvrait, entrait puis la refermait. La censure de l’Espagne franquiste refusa cet épilogue, conduisant le cinéaste à en proposer un bien plus pernicieux selon lui, car très suggestif. Le film provoqua un scandale considérable, au Vatican notamment avec la parodie de la Cène du Christ, qui réconciliera Buñuel avec les républicains vivant au Mexique. Palme d’Or à Cannes à titre de film espagnol, il fut aussitôt interdit en Espagne par le ministre du Tourisme et de l’Information. Le directeur général de la Cinématographie alla jusqu’à être mis à la retraite anticipée, pour être monté sur scène afin de recevoir le prix. Même si poussé à voir le film, Franco ne lui trouva rien de blâmable, la décision du ministre fut inchangée. Lors de sa sortie à Rome, le procureur général attaqua le cinéaste en justice et le condamna à un an de prison en cas de séjour au pays ; décision qui fut néanmoins levée plus tard par la Cour Suprême. Le producteur Gustavo Alatriste dut voir le film cinq fois avant de le comprendre et le cinéaste Vittorio De Sica interrogea la femme de Buñuel sur la "monstruosité" de ce dernier, après la projection.

Luis Buñuel avoue avoir longtemps eu lors de son enfance le goût du travestissement fétichiste et du déguisement. La scène où Don Jaime revêt les vêtements de sa défunte épouse est un écho à son enfance, lorsqu’il mettait les vêtements de sa mère, qu’il combinait avec ceux de son père. A quatorze ans, le cinéaste avait l’habitude de sortir dans la rue, habillé en curé avec la soutane et le manteau de son oncle. De même, le plan des pieds de la danseuse de La Veuve joyeuse de Erich Von Stroheim a marqué et influencé le réalisateur pour les plans des jambes de la petite fille sautant à la corde.


Présentation du film et animation du débat avec le public : Josiane SCOLERI

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