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Lundi 07 février : JE SUIS UN CYBORG (Festival CSF 2011)

20h30- Cinéma Mercury - Nice
Publié le samedi 29 janvier 2011.


Saibogujiman kwenchana

PARK Chan-wook - Corée du Sud - 2006 - 1h45 - vostf

"C’est du brutal !" Chacun a en tête la réplique cultissime du Tonton flingueur Bernard Blier. Là où Michel Audiard, dialoguiste savoureux, parlait d’un tord-boyaux fait maison, le spectateur des années 2000 aurait tendance à appliquer la formule au réalisateur de la Trilogie de la Vengeance, le Coréen Park Chan-wook. Celui-ci se fit connaître, après deux premiers essais passés inaperçus, avec un blockbuster typiquement coréen, carton local : Joint Security Area (J.S.A., 2000), thriller politique maîtrisé, traitant d’une amitié - forcément interdite - entre soldats des deux Corées. Célébré du jour au lendemain dans son pays, le film ayant attiré près de 6 millions de Coréens dans les salles, Park décida alors de se transformer en véritable auteur et se lança dans la réalisation de sa trilogie.

Le premier opus, Sympathy for Mr Vengeance, le fit découvrir dans le monde entier. Le film surprit par sa violence finale, son pessimisme avéré et l’extrême attention portée à l’aspect visuel de l’œuvre, celui-ci ayant d’ailleurs une certaine tendance à prendre un peu trop souvent le pas sur le fond. La première partie du film se montrait séduisante, servie par une interprétation haut de gamme, notamment de la part du toujours remarquable Song Kang-ho (déjà présent dans J.S.A. puis plus tard dans la plupart des grands films coréens jusqu’à aujourd’hui). On ne pouvait que regretter que le film se dilue dans une violence plus forcée que nécessaire avec à l’arrivée une histoire ne dégageant guère d’émotions autre qu’une sensation de mauvais goût dans la bouche.

Le deuxième volet de la trilogie porta Park Chan-wook au pinacle : Old Boy (2003). Après avoir déjà triomphé chez lui, le film fut la sensation du Festival de Cannes où il rata de peu la convoitée Palme d’Or, se "contentant" du Grand Prix du Jury, un jury présidé par Quentin Tarentino de qui Park est souvent rapproché, bien qu’il n’en possède pas l’humour, du moins dans la plupart de ses films dramatiques.
Film d’une virtuosité étonnante où horreur et humour ne cessent de se percuter, Old Boy est de ces œuvres qui marquent avec profondeur et durabilité l’esprit des spectateurs. D’une violence aussi bien mentale que physique, souvent à la limite extrême du supportable, le film bénéficie de plus d’un interprète exceptionnel en la personne de l’immense Choi Min-sik, déjà admiré dans Failan (Song Hae-sung, 2001) et Ivre de femmes et de peinture (Im Kwon-taek, 2002).

Hélas, le volet final ne confirma pas les progrès de Park, marquant un recul en deçà même des imperfections de Sympathy for Mr Vengeance. Mettant en scène cette fois-ci une héroïne - d’où le titre, Lady Vengeance (2005) - le film accumule les artifices et les clichés, le sadisme et la violence purement gratuits et, sous couvert de dénonciation de ceux-ci, s’en délecte avec complaisance, le tout dans un embrouillamini culpabilité/remords/vengeance/rémission très religieux et très lourdingue. Un film qui, malgré ses quelques trouvailles formelles, devient in fine profondément détestable. On en arriva ainsi à s’interroger : Park Chan-wook n’en était-il pas arrivé à se dégoûter lui-même et à massacrer son œuvre afin de clore cette trilogie très inégale et ne plus avoir à y revenir ?

Chose certaine, son œuvre suivante n’aurait pu être plus différente ! Je suis un Cyborg ("…, but that’s ok", précise le titre en anglais) relève en effet de ces comédies déjantées dont on se demande si seuls les Coréens - et les Japonais - ne détiennent pas le secret. Tout à la fois pure fantaisie, réflexion assez amère sur la famille et la société sous les couches de vernis, romance adolescente, le film a de quoi surprendre après le sadisme des opus précédents. Les admirateurs énamourés du cinéaste boudèrent naturellement le film, criant à la trahison et dénonçant un ramollissement honteux de leur héros. Si Je suis un Cyborg est loin de l’impact émotionnel et cinématographique de Old Boy, l’œuvre vaut pourtant largement le détour.

Toujours à la limite d’en faire trop - son gros péché mignon - Park réussit à se maintenir sur le fil sans tomber dans l’exhibitionnisme et le racolage visuel qui caractérisait Lady Vengeance. Travaillant au plus près sur l’ambiance créée par ses décors et via la composition élaborée des plans, les cadrages millimétrés et les harmonies de couleurs, il choisit le point de vue de ses personnages, pensionnaires d’un hôpital psychiatrique. Ici, les "fous" le sont vraiment. Pas d’usurpateur venu se glisser de l’extérieur et pris au piège de l’asile et de la folie. Rien à voir donc avec les classiques du genre, Shock Corridor (Samuel Fuller, 1963) ou Vol au-dessus d’un nid de coucous (One Flew Over The Cuckoo’s Nest, Milos Forman, 1975).

La jeune héroïne, Young-goon (jouée par la parfaite Im Soo-jung, l’une des Deux Soeurs de Kim Ji-woon, 2003), schizophrène, se prend donc pour un cyborg, un robot. Elle ne saurait par conséquent avaler de nourriture terrestre, ce qui ne lui réussit guère. Les piles électriques qu’elle suce pour se régénérer ou les discussions qu’elle mène avec la machine à café de l’hôpital n’arrange guère son cas. A tendance paranoïaque, elle rêve de massacrer tout le personnel de l’établissement grâce à ses armes intégrées. Comme elle est charmante, on ne lui en veut pas le moins du monde. Ni nous, spectateurs, ni même ses "victimes". Et encore moins le tout aussi jeune et charmant Il-soon (Jung Ji-hoon alias Rain ou Bi, star pop locale), pickpocket un peu spécial et qui se lance pour défi de la sauver en lui faisant ingurgiter du riz.
Beaucoup plus "gentil" que les films précédents de Park, Je suis un Cyborg ne nous parle pas seulement de folie ou d’imaginaire mais aussi d’incommunicabilité entre les êtres. Même si elle ne sait pas trop ce qu’est un cyborg, la mère de Young-goon - elle-même bien décalée - lui a fait promettre de ne révéler son secret à personne. Mais, du coup, qui pourrait alors la comprendre ?

Le film ne se prend pourtant pas trop au sérieux et les diverses situations gaguesques fonctionnent bien. Le défaut précité de Park (en faire trop) passe mieux que dans les films précédents vu le contexte diégétique et on s’amuse franchement. Bien sûr, Je suis un Cyborg peut dérouter et, de par son caractère très particulier, être repoussé finalement par certains pour des raisons proches de celles attachées à la Trilogie : trop d’artifice(s). Mais du moins ceux-ci ne sont pas mis au service d’une violence écœurante mais d’une vision bien plus positive de la vie, même si le monde qui nous est présenté ici n’est pas celui des Bisounours. Notons en passant que Park ne résiste pas à nous gratifier d’une scène de carnage, pied de nez très drôle à ses films précédents et à ses admirateurs.

Après Je suis un Cyborg, Park Chan-wook a tourné Thirst, ceci est mon sang (2009), film de vampires modernes (Song Kang-ho en prêtre suceur de sang) dans lequel, malheureusement, le cinéaste retombe dans ses travers précédents : préciosité, froideur, excès de violence et surdose d’obsession religieuse avec encore et toujours cette culpabilité et ces auto-flagellations qui ne quittent guère ses personnages. Reviendra-t-il un jour à la vraie puissance de Old Boy ou à la fantaisie débridée de Je suis un Cyborg ?

Philippe Serve


Présentation du film et animation du débat avec le public : Philippe SERVE.

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