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Vendredi 10 septembre - 300ème film CSF, un chef d’oeuvre : YOYO

20h30 Cinéma Mercury - Nice
Publié le mercredi 1er septembre 2010.


Film de Pierre ETAIX
France - 1964 - 80’
• Grand Prix de la Jeunesse du Festival International de Cannes, 1965
• Grand Prix OCIC Festival International de Venise, 1965

La première séance de notre 9ème saison sera aussi notre 300ème !

A cette occasion, CSF sera heureux et fier de vous présenter le chef d’œuvre de grand réalisateur et acteur français Pierre ETAIX, YOYO !

Un milliardaire qui s’ennuie et qui rêve d’un amour perdu, avec une écuyère de cirque. Une crise économique qui bouleverse l’ordre du monde. Un enfant de la balle qui devient un clown célèbre et qui veut restaurer le château de son père. Et l’appel de la route, qui est toujours là.

Pierre ÉTAIX

Et bravo pour le clown !

Pierre Etaix reste-t-il le dernier clown et poète du cinéma français ? Dans l’attente –déjà longue – de voir pointer le bout du nez rouge et rond d’un héritier, force est de répondre par l’affirmative. Le réalisateur et interprète de YoYo que les spectateurs de Cinéma sans Frontières vont (re)découvrir ce soir, continue à régner sur l’un des plus beaux pans du cinéma mondial. Celui de ses maîtres Max Linder, Charles Chaplin, Harold Lloyd ou Jacques Tati avec qui Pierre Etaix « apprit » le métier sur les tournages des Vacances de Monsieur Hulot et de Mon Oncle. Il s’insère dans la tradition qui mêle étroitement comique et tendresse, fine observation de la société et des êtres humains dans leurs travers les plus coupables et les plus médiocres, via le choix d’un humour poétique décalé confinant parfois au surréalisme.

De sa formation initiale de dessinateur – c’est à ce titre et à celui de gagman qu’il a travaillé avec Tati – Pierre Etaix a conservé un sens très aigüe de la précision du trait, aussi bien concret et visuel (cadrages, mécanique millimétrée des déplacements, des gestes, des gags), qu’abstraite et elliptique. A ce titre – mais aussi à bien d’autres – YoYo est bien le chef d’œuvre du cinéaste.

Le premier quart du film est un hommage vibrant au cinéma muet et aux années 20. Pierre Etaix s’y met lui-même admirablement en scène en milliardaire noyé dans l’ennui et la solitude après le départ de son épouse. Plus « Max Linder » que jamais, le personnage sans nom qui s’offre aux yeux et aux rires du spectateur, sait nous toucher par une mélancolie que chacun de nous peut comprendre, alors que son statut social et les excès grotesques qu’il engendre – armée de serviteurs, sophistication des repas opposée à la frugalité du convive, promenade et bain du chien par exemple – devraient au contraire, nous l’aliéner, tel le souverain du Roi et l’Oiseau, le chef d’œuvre animé de cet autre grand poète que fut Paul Grimault.

Nous assistons aussi à une magnifique inversion des codes et clichés traditionnels avec le « déshabillage » du pied dont je laisserai le plaisir de la découverte au spectateur ! Belle illustration également que celle de l’artificialité de la servitude, avec la transformation en un raccord de plan d’un domestique avant et après le franchissement de la porte du salon. Le film regorge ainsi d’inventivité, très souvent accouplée à un sens inné du contre-pied. Et c’est bien parce que – comme évoqué plus haut – cette mécanique est huilée à la perfection, que les effets de surprise peuvent fonctionner sans échec.

A la précision quasi maniaque du visuel répond une attention extrême portée aux sons et bruitages. On voit bien sûr ici – ou plutôt on entend – l’héritage direct du grand (dans tous les sens du terme) Jacques Tati. Les sons surlignent les situations ou, au contraire, interviennent en autant de contre-points, toujours légèrement amplifiés, gonflés, existant par eux-mêmes et quasiment pour eux-mêmes.

Bien sûr, le film prend son virage décisif lors de l’arrivée du cirque. Le cirque, bien davantage que le cinéma, est le véritable univers, la famille dont Pierre Etaix n’a jamais pu se détacher. Sa vraie carrière, il l’a menée dans le rond de sciure, clown à 14 ans sur la piste aux étoiles. Là qu’il a décroché ses galons de génie comique, mettant ses longues chaussures d’Auguste (et parfois de clown blanc) dans les traces des plus grands : Grock, Pipo, les Fratellini – il épousera Annie en 1969 –, les Dario, Achille Zavatta ou le Catalan Charlie Rivel. Pas besoin de réfléchir longtemps : YoYo, le petit garçon à la bouille adorable qui semble être né dans son costume de petit gugusse puis devient le plus grand clown au monde, c’est lui, Pierre Etaix.

Le jeune YoYo (Philippe Dionnet)

Les meilleurs clowns, chacun le sait, ne sont jamais vulgaires. Pierre Etaix n’échappe pas à la règle. Son humour est fin et respectueux de l’intelligence et du bon goût du spectateur, même dans ses éventuelles outrances. Mais l’élégance du geste n’a d’égale que celle des métaphores. Ainsi, lorsque le père de Yoyo, découragé par la rebuffade de la belle écuyère, s’éloigne tête baissée, mouvement accompagnée par un discret mais bien visible affaissement – véritable soupir - du chapiteau que l’on commence à démonter dans la nuit, le spectacle terminé. La liberté de Pierre Etaix, si intimement liée au souffle poétique, le rapproche cinématographiquement d’un Jean Vigo. Bien sûr, on pourra aussi établir un lien avec Fellini à qui il rend d’ailleurs un hommage bref mais savoureux via Zampano et Gelsomina (La Strada). Mais Pierre Etaix n’est pas qu’un brillant héritier, il a à son tour influencé bien des réalisateurs même si, comme déjà dit, on attend toujours de voir quelqu’un reprendre vraiment sa couronne. Le spectateur de YoYo ne pourra pas ne pas penser aux animations devenues légendaires de Terry Gilliam avec les cultissimes Monty Python lors d’une très courte séquence « aéronautique ». Et les fidèles de CSF remarqueront peut-être avec moi comme un certain écho dans les films de Guy Maddin.

L’intelligence de Pierre Etaix – à laquelle il convient évidemment d’associer celle de son brillant coscénariste Jean-Claude Carrière qui débutait une carrière appelée à devenir glorieuse – se démontre aussi dans la manière de faire passer sa saillie contre la télévision, alors en plein essor dans cette société française du bien-être au début des années soixante. Jamais sans doute quelqu’un n’a mieux illustré (au sens premier) la différence de format entre petit et grand écran ! L’humour décape les réalités les plus noires. Voir comment il traite les dictateurs ou les suicides entraînés par la crise économique de 1929.

Pierre Etaix n’aura tourné que cinq long-métrages et trois courts pour le cinéma, le tout en quelques années (1961-69). Après des années d’invisibilité pour de sombres raisons juridiques, les films du réalisateur de YoYo ressortent enfin et en versions restaurées. Ce sont près de deux générations de spectateurs qui vont pouvoir découvrir l’univers de celui qui, en janvier dernier et à 82 ans, est remonté sur scène en renfilant le costume de Yoyo. Chapeau, l’artiste !

Philippe Serve

Réalisation : Pierre ÉTAIX
Scénario : Pierre ÉTAIX, Jean-Claude CARRIÈRE
Avec : Pierre ÉTAIX, Claudine AUGER, Luce KLEIN, Philippe DIONNET, Roger TRAPP
Musique : Jean PAILLAUD
Directeur de la photographie : Jean BOFFETY
Montage : Henri LANOË
Costumes : Jacqueline GUYOT
Producteur : Paul CLAUDON
Production : Compagnie Artistique de Productions et d’Adaptations Cinématographiques (C.A.P.A.C.).
Distribution : Carlotta Films.

Présentation du film et animation du débat avec le public : Philippe SERVE.

Merci de continuer à arriver suffisamment à l’avance pour être dans votre fauteuil à 20h 30 précises...

N’oubliez pas la règle d’or de CSF aux débats :
La parole est à vous !

Entrée : 7,50 € (non adhérents), 5 € (adhérents, chômeurs).

Adhésion : 20 € pour un an (365 jours) - 15 € pour les étudiants. Donne droit au tarif réduit à toutes les manifestations de CSF, ainsi qu’à toutes les séances du Mercury (hors CSF) et à l’accès (gratuit) au CinémAtelier.
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Contact mail CSF : cinemasansfrontieres@free.fr
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Contact téléphonique Mercury : 08 92 68 81 06 / 04 93 55 37 81.


Affiche CSF Yoyo - Affiche en PDF de la séance CSF de YOYO (10/09/10).