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Samedi 03 avril : L’EVANGILE SELON SAINT MATTHIEU + MONTY PYTHON, LA VIE DE BRIAN

18h et 21h - Cinéma Mercury - Nice
Publié le mercredi 31 mars 2010.


Film italien de Pier Paolo PASOLINI - 1964 - 2h17 - vostf

Film britannique de Terry JONES - 1978 - 1h44 - vostf

18 h et 21h

L’Evangile selon Pasolini et les Monty Python

par Philippe Serve

L’un était marxiste à la Karl révisé Gramsci, tandis que les autres l’étaient tendance Groucho.
Le premier, communiste italien se montrait donc forcément plus respectueux, y compris envers l’opium du peuple (recherche du compromis historique oblige ?), alors que les seconds, citoyens de Sa Gracieuse Majesté, libertaires nourris au féroce et absurde humour british, laissaient l’irrespect leur servir de moteur.
L’un s’appelait Pier Paolo Pasolini, poète, écrivain, scénariste, cinéaste. Les autres se regroupaient sous leur nom de guerre des Monty Python, sous lequel se cachaient Eric, Graham, Terry, John, Michael et Terry (le seul Yankee du groupe).

Que pouvaient donc avoir en commun ces deux parties dont l’une a officié des années 50 jusqu’à son sordide assassinat dans la nuit du 1er au 2 novembre 1975, à l’heure même où l’autre commençait sa carrière sur grand écran après quelques années de triomphe télévisuel ?
Rien, si ce n’est une volonté semblable de consacrer l’une de leurs œuvres majeures à raconter la même histoire… enfin, presque. Cette histoire, vieille de près de 2000 ans – à l’époque des adaptations cinématographiques qui nous concernent – avait déjà été bien souvent portée à l’écran. En réalité, son héros – Jésus Christ – avait même sérieusement trusté les débuts du cinéma. Et quand ce n’était pas lui directement – sa vie, son œuvre -, les cinéastes de ces temps héroïques filmaient la Bible (Ancien Testament) ou la vie des saint(e)s. Bref, l’histoire judéo-chrétienne avait toujours été bien servie par le 7ème Art.


La crucifixion vue par Pasolini et par les Monty Python

Quand Pasolini – deux films pleins déjà réalisés, Accattone et Mamma Roma - décide de tourner L’Evangile selon Saint Matthieu, il est tout à la fois un homme célèbre, célébré et contesté. L’Eglise catholique lui est tombée sur le dos en raison de l’épisode La Ricotta, dans le film à sketchs RoGoPag, tourné en collaboration avec Rossellini et Godard. « Insulte à la religion d’Etat » et blasphème, l’accusation lui vaut procès et condamnation à quatre mois de réclusion, plus une confiscation du film pour neuf mois. La Ricotta montrait un cinéaste – interprété par Orson Welles – tentant de réaliser une version de la Passion du Christ, tout en peignant les à côtés très matérialistes du tournage. Autant dire que son annonce de vouloir s’attaquer à l’Evangile le plus « moral » des quatre inquiète certains. Renonçant à filmer sur les lieux mêmes de l’histoire ou du moins en Palestine car il y trouve trop de modernité, Pasolini tourne ses scènes dans le sud désert de l’Italie, dans les Pouilles et en Camargue notamment. Sa sélection pour le Festival de Venise a pour conséquence immédiate le retrait de la plainte du procureur au procès en appel de La Ricotta et l’obtention d’un non-lieu. L’Evangile selon St Matthieu remporte à la Mostra le Prix spécial du jury ainsi que celui de l’Office Catholique. Attaqué à sa projection par des néo-fascistes, critiqué négativement un peu partout par les cercles de gauche, le film connait néanmoins un grand succès public. Sa fascination pour le sacré et pour la religion - il avait projeté de tourner un film sur saint Paul, et Théorème (Teorema, 1968) reste l’un des films favoris des cercles chrétiens, obtenant lui aussi le prix de l’Office Catholique – ont fait de Pasolini le cinéaste marxiste chouchou des catholiques progressistes. Il dira plus tard de lui-même, en relation avec son film : « Je ne crois pas que le Christ soit le fils de Dieu, parce que je ne suis pas croyant, du moins consciemment. Mais je crois que le Christ est divin : autrement dit, je crois qu’en lui, l’humanité est si élevée, si rigoureuse, si idéale qu’elle va au-delà des termes ordinaires de l’humanité. » Ayant tourné ses deux premiers longs métrages sous le sceau d’un sacré profane qu’il professait, il change de style pour L’Evangile, craignant d’en faire trop et de tomber finalement dans un nouvel académisme. Sa réalisation oscille sans cesse entre rigueur, simplicité, dénuement et alternances d’effets, qu’ils relèvent du montage (faux raccords, discontinuité…) ou du style (multiplication des zooms, caméra portée, décadrages…), le tout habillé de musiques très hétéroclites. A l’arrivée, un film très particulier où Jésus apparait tout à la fois dans une dimension très humaine et à la limite du révolutionnaire mais aussi – par le biais de la parole omniprésente – d’essence divine.

Moins de quinze ans plus tard, les iconoclastes Monty Python proposent une lecture bien différente basée sur le principe du « et si ? » Et si on s’était trompé de messie ? Les six gugusses – dont, excusez du peu, trois diplômés de Cambridge et deux d’Oxford - avaient fait se plier de rire des foules entières entre 1969 et 1974 avec leur délirant Monty Python’s Flying Circus produit par la BBC. Jouant sur toute la palette de l’Absurde, visuel comme verbal, et de l’irrévérence prononcée envers tous les pouvoirs politiques ou intellectuels, l’univers des Pythons devint vite culte et incontournable. Le phénomène s’avéra mondial lorsque le show télévisé (4 saisons, 45 épisodes) envahit les programmes télévisés étrangers et plus encore à la sortie de leur premier long-métrage original, le désormais mythique Sacré Graal (Monty Python and the Holy Grail, 75) ou comment revoir la légende arthurienne des chevaliers de la table ronde. Les conseils échangés pour déterminer si une jeune femme est oui ou non une sorcière demeure bien entendu toujours valables…
Quatre ans plus tard - et suite à une plaisanterie de Eric Idle annonçant à des journalistes que leur prochain film porterait le titre de Jésus Christ – Soif de Gloire, alors qu’aucun thème n’avait encore été retenu, c’est bien aux Evangiles que les Pythons s’attaquèrent avec pour objectif de dénoncer l’hypocrisie et la crédulité des suiveurs de messie… ou du moins considéré tel. Car le coup de génie du groupe est de partir d’un quiproquo dont le pauvre Brian se retrouve victime. Ce n’est jamais le Christ lui-même (qui n’apparait que brièvement) ou son message – totalement incompris par des bandes de crétins – qui se retrouve mis en cause mais bien la foule des disciples. Quelques années plus tôt, John Lennon avait déjà fait scandale en proclamant que « Jésus était ok mais ses disciples un peu lourdingues ». C’est un autre ex-Beatle (le groupe était inconditionnel des Pythons), George Harrison, qui permettra financièrement à La Vie de Brian de se monter. Hyper inventif, hilarant et décapant, se concluant sur une scène de pure anthologie, le film remporta un succès immense qui ne s’est depuis jamais démenti. En 2005, un sondage mené par Channel 4, la chaîne de télévision anglaise, plaça La Vie de Brian meilleure comédie de tous les temps. Belle récompense pour une œuvre interdite dans la très catholique Irlande jusqu’en 1987 et en dans la toute aussi religieuse Italie jusqu’en 1990 !

Mettre aujourd’hui en parallèle les chefs d’œuvre respectifs de Pasolini et des Monty Python – au-delà du clin d’œil dans le respect de toutes les croyances et de leur contraires – correspond aussi à la volonté de montrer que le Cinéma est multiple et qu’un sujet peut se prêter à de nombreuses et riches versions très différentes, pour le plus grand plaisir du cinéphile. A condition bien sûr d’être servi par des artistes de talents. Ce qui est ici le cas. Réjouissons-nous-en !

Philippe Serve

Les deux films - à voir absolument l’un derrière l’autre ! - bénéficieront d’une présentation unique avant le premier et d’un débat avec le public après le second.
Animation : Philippe SERVE.

Notez que CSF s’astreint cette saison à commencer ses séances à l’heure ! Veillez donc à arriver suffisamment à l’avance pour être dans votre fauteuil à l’heure.

N’oubliez pas la règle d’or de CSF aux débats : La parole est à vous !

Ouvert à tous. Adhésion : 20 € pour un an (365 jours) - 15 € pour les étudiants. Donne droit au tarif réduit à toutes les manifestations de CSF, ainsi qu’à toutes les séances du Mercury (hors CSF) et à l’accès (gratuit) au CinémAtelier.
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