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Qui sont SUPERSHOCK ?

Publié le mercredi 16 mai 2012.


Pour mieux connaître le groupe SUPERSHOCK qui accompagnera musicalement la projection du film LE GOLEM lors de la soirée organisée par CSF au Théâtre de Verdure de Nice le dimanche 3 juin 2012 (20h30), voici quelques extraits d’une interview datant du 22 novembre 2009 et donné au site cultureaupoing.com :

Pouvez-vous vous présenter ? Qui se cache derrière Supershock ?

Valentina Mitola : Supershock est un groupe de rock italien né en 2002 dans lequel je joue de la basse aux côtés de Paolo Cipriano, le guitariste chanteur. On peut qualifier notre musique d’indie-rock aux voiles psychédéliques avec des paroles en Anglais. Nous avons travaillé en Italie jusqu’à 2008 et, depuis 2009, nous sommes en train de nous exporter en Europe et en Asie (Emirats Arabes Unis). A ce jour, nous avons enregistré 4 EP ainsi qu’un album Caligari, distribué en Italie en 2008. Nous travaillons actuellement sur notre deuxième album qui devrait sortir en 2010 et pour lequel on cherche une distribution plus large ; notamment en France. Nous faisons beaucoup de concerts mais travaillons depuis 2004 au théâtre avec des spectacles musicaux et nous nous impliquons aussi dans le théâtre expérimental d’avant-garde. Nous travaillons aussi sur le cinéma muet avec la création de ciné-concerts : nous avons écrit les musiques pour quatre grands films de l’expressionnisme allemand et aussi pour quelques courts-métrages de l’avant-garde du début du Vingtième Siècle. Nous avons gagné le concours « Rimusicazioni Film Festival 2008 » de Bolzano pour la musique composée sur « The fall of the House of Usher » de Watson et Webber et en Italie ce court- métrage est distribué avec notre musique. Voilà un peu notre « carrière ».

Mais d’où vient ce nom « Supershock » ? Cela a-t-il un rapport avec le mascara ? Parce que ça sonne gothique…

VM : (amusée) C’est sympa le mascara Supershock ! On a découvert cette homonymie en cherchant notre nom sur Internet pour voir un peu les résultats des recherches. Nous sommes arrivés avant le mascara, mais maintenant c’est plus possible de nous rejoindre sans tomber sur lui ! Ceci dit, je me maquille assez sur la scène, donc l’association va !

On a déjà du vous poser la question plusieurs fois mais pourquoi chantez-vous en Anglais ? C’est une question de culture musicale ? Le rock en Italien, ça ne marche pas ?

Paolo Cipriano : La musique que j’aime est anglophone et pour moi c’est absolument naturel de faire de la musique ainsi. Je n’écoute pas beaucoup de musique italienne. Il y a des groupes de rock exceptionnels qui chantent en italien (Afterhours, Marlene Kuntz, Verdena) et je les aime… Mais je n’aime pas le faire. L’anglais n’est pas ma langue primaire et donc pour moi elle exprime d’abord une sonorité musicale. La signification des mots arrive en second. Ça a été pour moi un avantage parce que ça m’a permis de penser la voix comme un instrument. Elle est un son, pas seulement des mots.

Dans leurs clips, les Smashing Pumpkins ont souvent recours au cinéma muet. Tonight, Tonight est un vibrant hommage à Méliès, Ava Adore est un clin d’œil à Nosferatu et Stand Inside your love est carrément un film muet avec son Noir et Blanc et ses intertitres. Le groupe de Billy Corgan est influence évidente pour vous. Alors, pouvez-vous nous donner vos influences majeures pour ceux qui ne vous ont pas encore écouté ?

PC : nous aimons le rock des années 90 : Smashing Pumpkins, Nirvana, Radiohead sont les artistes que nous aimons le plus. Que ce soit pour leur sonorité « grunge » ou pour leurs chansons merveilleuses qui collent à une certaine époque. Mais nous aimons beaucoup la musique psychédélique des Pink Floyd pour son ouverture mentale et pour sa capacité de faire voyager. Nous aimons aussi le hard rock de Led Zeppelin pour sa génuinité et pour l’universalité sans artifice. Je crois que dans notre musique on peut trouver tous ses aspects : c’est une musique de clairs-obscurs, qui aime et soigne l’harmonie, mais qui cherche à abattre les cages de structure et les durées imposées par les canons du pop-rock ; elle cherche à expérimenter des nouvelles sonorités à partir des mêmes instruments utilisés par le rock, pour tenter d’ouvrir des espaces et rejoindre la pureté de l’âme.

En revanche, y a-t-il des influences qui ne paraissent pas évidente dans votre musique ?

PC : Nous aimons la tradition musicale classique, j’ai étudié au Conservatoire et Valentina a pratiqué pendant beaucoup d’années la danse classique et la danse contemporaine. J’aime Ravel et Chopin pour parler des Français, mais Mozart est le plus grand compositeur de tous les temps. En Italie, on a eu Verdi, Rossini...J’aime toute la musique créée pour être éternelle et elle influence beaucoup nos compositions et nos arrangements. Ces influences sont les moins reconnaissables, parce que cachées sous des sonorités très mordantes.

Comment en êtes-vous arrivés à jouer dans des théâtres et des cinémas ?

VM : Il y a quatre ans, une compagnie théâtrale nous a demandé de participer à un spectacle sur Janis Joplin et on a accepté ; maintenant nous jouons aussi dans un spectacle sur Fabrizio De André. C’est intéressant d’approfondir des personnages que nous aimons à travers leur musique. On a poursuivi le chemin théâtral avec un spectacle expérimental sur la Première Guerre Mondiale et sur les War Poets, avec musique, acteurs, films et vidéo art, où on a écrit les musiques et soigné la mise en scène. Puis on a crée nos ciné-concerts. Le théâtre est pour nous un lieu de dialogue mesuré et, souvent, intelligent. Il regorge aussi d’histoires, de vies, d’expériences. Pour un artiste, c’est un lieu de rencontres privilégiées avec un public attentif, patient, curieux. Ces échanges ont modifié vivement notre musique. En termes techniques, on pourrait dire que nous sommes passés du rock basic au rock psychédélique, d’une musique structurée à une musique plus libre. Notre musique raconte des lieux, des histoires, des émotions. Et le théâtre a su les écouter.

L’Italie est un pays de grands compositeurs de musique de films : Morricone, Rota, De Masi, Frizzi, etc… Est-ce que vous vous en sentez proches ?

VM : Nous aimons ces musiciens mais c’est difficile de dire si nous nous en sentons proches. Notre double rôle d’auteurs et exécuteurs de nos musiques nous éloigne des purs compositeurs, qui orchestrent leurs œuvres librement. Nous pensons à des musiques pour nos instruments, c’est à dire la basse, la guitare et la voix. Ces instruments doivent sonner comme le rock que nous faisons. Si nous avons besoin de la batterie ou du piano, on les utilise et on appelle des musiciens à l’occurrence. Donc on écrit des musiques qui seront exécutées en live par une formation rock, de deux à cinq éléments et forcément nos choix sont plus « limités ».

Metropolis, Golem, Caligari, Nosferatu… Qu’est-ce qui vous attire dans l’expressionnisme allemand ?

VM : Ce qui nous a enchanté de ce cinéma, c’est sa capacité d’anticiper des grands événements qui se sont vérifiés sur une courte période de l’histoire de l’humanité. C’est le miroir des regards pointus des metteurs en scène respectifs : Caligari voit dans la société allemande les germes de la naissance d’un pouvoir despotique et autoritaire. Il prévoit en quelque sorte l’avènement du nazisme ; Der Golem annonce la menace planante sur le peuple hébreu, dans une période caractérisée par la peur du monstrueux qui anticipe la violence politique et l’horreur nazi contre les minorités en général et, in primis, contre les juifs ; Métropolis préfigure en images la lutte de classe entre ouvriers et industriels et, en particulier, la problématique des accidents de travail, qui deviendra de plus en plus d’actualité (en Italie c’est un grand problème) ; Nosferatu arrive à montrer la profonde angoisse de l’être au monde : l’esprit du protagoniste est toujours tourmentée d’un mal qui sera passé « génétiquement » aux générations suivantes, créant une humanité esclave de soi-même. Les arguments sont très modernes, et les solutions esthétiques aussi. C’est pour ça que nous nous y sommes intéressés : ce sont des oeuvres éternellement jeunes, sur lesquelles on pouvait travailler pour créer quelque chose qui parle pour notre époque ; ces films, rajeunis par une musique rock, se transforment en vidéoclips modernes, et parlent aux jeunes avec un langage très connu.

Composer pour un ciné-concert est un travail particulier. Le rythme, les thèmes, l’ambiance sont imposés par le film. Il y a un équilibre fragile entre la redondance et le hors sujet…

PC : Notre approche de la musique est aussi un peu différente des autres groupes de rock. En effet, chaque fois que nous écrivons la musique pour un nouveau film, nous sommes obligés de changer notre son pour des exigences imposées par les images ; beaucoup de groupes, au contraire, travaillent toute leur vie pour perfectionner leur son, et ne le changent pas souvent. Et en ça nous nous sentons très libres.
Valentina parlait avant de vidéoclip. Le produit final qui arrive au public dans nos ciné-concerts est un film musical dans lequel images et musique sont indissociablement liés, comme dans un vidéoclip. Mais le parcours créatif est inverse : c’est la musique qui doit suivre le flux imposé par les images. Nous commençons par cherche la bonne sonorité qui correspondra au film entier : les instruments nécessaires à la produire (s’il y a la nécessité de batterie, piano ou autres instruments) et le son pour nos instruments (acoustique, électrique, avec ou sans effets...). Puis on cherche le rythme : soit la musique soit le film sont des compositions dotées d’un rythme et nous travaillons pour « synchroniser » les deux, afin que le résultat ne soit pas boiteux. A la fin, nous cherchons les thèmes qui correspondent à chaque personnage et chaque situation. Nous travaillons pour chercher le synchronisme avec les séquences ou un asynchronisme souvent plus intéressant.
Si tout ça marche, le résultat est incroyable : la musique offre une nouvelle clé de lecture aux images. Le même film avec deux colonnes sonores peut sembler différent ! C’est magique !

Que pensez-vous de Metropolis mis en musique en autre par Freddie Mercury et Pat Benatar dans les années 80 ?

PC : Je ne l’ai jamais vu en entier mais, si je ne me trompe pas, le parcours créatif a été encore différent : les images de Metropolis ont été sélectionnées et rassemblées sur la musique de Mercury. Manipuler un film comme Metropolis sans être trop critiqué, c’est une chose qu’on peut faire quand on est un artiste très connu…

On a l’impression que le cinéma italien tente de renaître de ses cendres… Est-ce que l’aventure cinématographique vous intéresserait ? Pour un film italien ou étranger d’ailleurs…

PC : Ce serait beau de pouvoir travailler sur un film « en construction » ! Nous pourrons nous consulter avec le metteur en scène et travailler ensemble pour concilier nos finalités. Italien ou étranger...l’important est que ce soit un beau film !

Vous avez créé votre propre label Supershock Records. Pourquoi avoir créé votre propre structure ?

VM : Parce que dans le monde de l’art, il est très important d’être bien structuré. Sans structure, l’artiste n’existe pas. C’est aussi simplement pour des questions administratives ou bureaucratiques. Si tu n’as pas ta propre structure, tu es obligé de t’appuyer sur une autre. Et on a préféré nous la créer pour être libres dans nos choix artistiques. Supershock Records est seulement une marque avec laquelle nous disons que nous sommes les producteurs de nos albums et que nous les avons enregistrés nous mêmes.
Notre réelle structure d’organisation est l’Association Culturelle musicARTeatro, avec laquelle nous avons produit tous nos travaux et qui nous a permis de dialoguer avec les institutions qui nous ont soutenus durant ces années.

Vous êtes musiciens, vous avez créé votre label donc mais vous organisez aussi des évènements autour de la culture. Qu’est-ce qui vous pousse à tant d’activité ?

VM : Nous vivons dans un moment historique avec une forte crise économique mais aussi une crise des valeurs. Et l’art doit apporter quelque chose. C’est important de consolider l’importance de la culture dans la société. L’état de santé d’un peuple et d’une nation ne se mesure pas seulement avec les indicateurs du développement économique. Et nous devons travailler pour offrir de la culture, en opposition aux distractions offertes par les media traditionnels. Nous travaillons avec le soutien d’institutions comme la Regione Piemonte, la Provincia et la Città di Torino (territoires au nord-ouest de l’Italie, l’ancienne Savoie) qui engagent beaucoup de ressources dans ce secteur, et qui nous aident dans notre activité. Par exemple, nous avons participé au Festival d’Avignon Off 2009 grâce aux investissements de la Regione Piemonte dans le projet « Farandole à l’Italienne ». Ce projet a pour but d’aider les compagnies italiennes qui créent des spectacles exportables. Et ça, c’est très important pour les artistes.

Justement, la ville de Turin semble tenir un rôle important dans vos activités artistiques. Pourtant, en France, elle a l’image d’une ville plutôt industrielle…

VM : Turin est la ville où nous sommes nés et dans laquelle nous vivons. Elle est devenue un grand centre industriel avec la naissance de la Fiat et a accueilli un flux migratoire du Sud de l’Italie. Elle se trouve aux pieds des Alpes, et donc elle a un climat rude. Pendant beaucoup d’années, elle a été une ville dortoir pour les ouvriers, mais elle s’est transformée grâce à de grands investissements dans la Culture et le Tourisme. L’architecture de la ville est merveilleuse. Nous avons un grand patrimoine savoyard et des oeuvres d’architectes comme Juvarra. Et maintenant, il y a aussi une programmation culturelle très intéressante que ce soit en musique, théâtre, danse, cinéma, art, etc… Nous avons grandi dans une réalité culturelle et artistique très fertile. Donc nous vous encourageons à venir à Turin !

Je crois savoir que vous avez joué dans des usines en Italie. Est-ce important pour vous de jouer dans des endroits où la culture n’a, a priori, pas sa place ?

PC : Avec la Provincia di Torino, nous avons crée le festival CORTOCIRCUITO, qui a pour objectif d’emmener nos spectacles dans des lieux non conventionnels, des musées et des éco-musées. Ce sont des lieux qui ont une mémoire historique que le temps ne doit pas effacer. Entre eux, il y a des usines fermées pour des problèmes de sécurité sur le travail. Porter un film comme Métropolis dans des lieux si durs, ça transforme le spectacle en un événement, en un moment de réflexion sur l’histoire des gens qui vivent et meurent dans la réalité, et auxquelles l’art doit donner un espace.

Vous êtes très productifs alors savez-vous déjà quel sera le nouveau ciné-concert après Shortrip ?

PC : Nous sommes vraiment productifs... Shortrip a déjà débuté cette été, dans le Festival Teatro a Corte à Turin. C’est un spectacle sur des courts-métrages du muet, à partir des origines du cinéma aux avant-gardes du début du Vingtième Siècle.
Maintenant nous sommes en train d’enregistrer un nouveau CD, qui recueillira toute l’expérimentation faite durant ces années. Comme nous l’avons dit tout à l’heure, nous chercherons à le distribuer aussi en France...
Maintenant, nous commençons à jouer à l’étranger. Après le Festival d’Avignon, nous allons participer à l’Italian Week de Dubai (Emirats Arabes Unis), dans lequel, pour la première fois de l’Histoire, nous diffuserons Metropolis dans le Monde Arabe ! Nous reviendrons ensuite jouer en France en 2010 !

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[Depuis cette interview, Supershock a multiplié les concerts et Ciné-Concerts en tournée, jouant notamment très régulièrement en France. Nous sommes très heureux, à Cinéma sans Frontières, de pouvoir les accueillir à l’occasion de nos 10 ans respectifs, car non seulement Supershock est un remarquable groupe musical mais Valentina et Paolo s’avèrent aussi, dès qu’on les rencontre, deux personnes éminemment sympathiques, chaleureuses, simples et tout simplement attachantes.]

Leur CD, Midnight in the Garden, sorti en 2010.

Extrait en écoute ici.

Quelques vidéos en ligne sur Youtube :

Le Golem principalement à partir de 2’13

Metropolis

Nosferatu

Le Cabinet du Dr Caligari

Interview du groupe (en italien) mars 2011