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Mercredi 24 février : IRMA VEP (Festival CSF 2010)

Mercredi 24 février 2010 - 20h 30 - Cinéma Mercury - Nice
Publié le mercredi 24 février 2010.


Il suffit parfois de prononcer le simple nom d’un personnage de fiction relevant de la littérature, du théâtre, de l’opéra ou du cinéma pour qu’aussitôt surgisse tout un univers. Peter Pan porte en lui tout Never Never Land (Le Pays de Nulle part) avec ses enfants perdus, ses pirates, ses indiens, ses fées et ses aventures merveilleuses. Charlot (Charles Chaplin) ne renvoie pas seulement à l’image d’un chapeau, d’une canne, d’une petite moustache, d’une redingote et de chaussures trop grandes mais aussi à toute une condition sociale, celle des vagabonds, des sans-abris. De même, les simples évocations des noms Oliver Twist ou David Copperfield nous plonge aussitôt dans le Londres brumeux et sans pitié du 19ème siècle tel que rapporté par Dickens. Entendez Cio-Cio San, autrement dit Madame Butterfly et c’est tout le Japon fleuri de cerisiers, habillé de kimonos et peuplés de femmes douces et victimes de leur fidélité amoureuse (on est proche de Mizoguchi ou Naruse, soit dit en passant) qui nous envahit aussitôt. Ainsi également de Irma Vep, personnage central du serial (film aux dix épisodes dans la lignée des feuilletons de la presse écrite) imaginé et réalisé par Louis Feuillade en 1915, Les Vampires. Son seul nom évoque le Paris des débuts de la première guerre mondiale, un monde de criminels sophistiqués et ingénieux dont les membres sont habillés de combinaisons et cagoules moulantes noires pour accomplir leurs forfaits. Irma Vep est l’égérie de cette bande et son seul membre à demeurer présent d’épisode en épisode. Son patronyme, anagramme du mot vampire – et même s’il n’y a aucune trace de vampirisme dans l’histoire – excite l’imagination et fera du personnage mais aussi de son interprète, l’inoubliable Musidora [ci-dessous], la muse des premiers surréalistes, avant les plus tardives Greta Garbo ou Louise Brooks. Et, bien entendu, la première vamp de l’histoire du cinéma.

Avec IRMA VEP, Olivier Assayas rendait un triple hommage : le premier bien sûr à ce cinéma mythique des Vampires, cinéma plein de charme et de poésie, vrai cinéma populaire aussi. Un film parfait, pense René Vidal, le cinéaste du film qui, s’il doit faire un remake, tient à rester fidèle, plan par plan, presque image par image, à l’original. La question se pose alors de la nécessité d’un remake si l’on n’y apporte rien de nouveau. La seule vraie idée personnelle de René semble de faire interpréter la légendaire Irma Vep depuis toujours confondu avec Musidora, par une actrice chinoise. Car une Française prenant la place de Musidora ? "Ce serait un blasphème !", confie-t-il à Maggie Cheung, ici dans son propre rôle. Seule, Maggie, qu’il a découvert en catwoman dans The Heroïc Trio (1993) de Johnny To Kei-fung et Ching Siu-tung - et dont on voit un extrait où Maggie combat avec Anita Mui, autre star de H-K, hélas aujourd’hui disparue - peut ré-endosser le rôle. Idée qui révoltera Moreno, son successeur à la réalisation et pour qui Irma Vep "c’est le Paris populaire, Arletty, les Apaches, la zone, ce n’est pas Fu-manchu".
Pourtant, lorsque sont projetées les scènes déjà tournées par René et montées par lui-même juste avant sa dépression, on est loin d’un simple remake ! Les images, magnifiquement triturées et grattées exposent une incroyable modernité tout en retrouvant la magie poétique de l’original. René a-t-il "taillé son film en pièces" dans un accès de désespoir ou est-ce là sa vision des Vampires et, au-delà, d’un cinéma fidèle à ses origines ? Nul ne le sait mais le spectateur se met à regretter qu’il n’ait pu terminer son œuvre.

Le deuxième hommage est rendu, sous forme de satire, au monde du cinéma lui-même et à ses tournages, rejoignant ainsi celui dont il est l’un des fils spirituels les plus évidents, François Truffaut. Assayas nous montre de l’intérieur comment un film se fait ou... se défait. Il n’hésite pas à égratigner le mythe. Difficultés financières, inorganisation frôlant le chaos, réalisateur névrosé (excellent J.P. Léaud !), jalousie et chamailleries en tous genres, il renvoie dos à dos cinéma d’auteur "intello" - auquel il se rattache, lui, l’ancien des Cahiers du Cinéma- et cinéma d’action et de divertissement (représenté par le journaliste prétentieux qui n’interroge Maggie qu’afin de pouvoir asséner ses propres certitudes envers le génie présumé de John Woo et dont le personnage semble renvoyer à Christophe Gans, fondateur des revues Starfix et H-K video mais aussi réalisateur de films très « visuels » et clinquants comme Le Pacte des Loups ou Crying Freeman).

Troisième hommage d’Olivier Assayas : celui à l’une des grandes stars du cinéma hong-kongais, la remarquable Maggie Cheung. Double hommage puisque, à celui rendu à l’actrice est venu s’ajouter celui pour la femme qui deviendra à l’issue du tournage l’épouse du réalisateur ! Devenue l’actrice asiatique la plus connue et la plus aimée dans le monde – avec la Chinoise Gong Li – surtout après le triomphe planétaire de In the Mood for Love (Wong Kar-wai, 2000), Maggie Cheung a toujours su ajou-ter à sa remarquable beauté un jeu tout en nuances (voir, par ex., la scène où Bulle Ogier lui apprend que Zoé en "pince" pour elle). Son visage peut tout aussi bien afficher un "vide" total que la plus subtile émotion, comique - elle sait être très drôle - ou dramatique. Elle a su aussi retenir de ses multiples films d’action une magnifique souplesse corporelle qui la rend ici, moulée au plus près du corps dans sa combinaison de latex noire, terriblement magnétique et séduisante, retrouvant sans mal la charge érotique de Musidora.

Notons aussi la performance absolument parfaite de Nathalie Richard, confondante de naturel et de charme, ainsi que la présence toujours précieuse de Bulle Ogier. Et bien sûr, comme déjà signalé, la formidable présence de Jean-Pierre Léaud, bougon, enfantin, névrosé, enthousiaste, dépressif. Un mythe à lui seul !

Philippe Serve

La séance est précédée d’une présentation et suivie d’un débat avec le public.
Animation : Philippe SERVE.

Notez que CSF s’astreint cette saison à commencer ses séances à l’heure !
Veillez donc à arriver suffisamment à l’avance pour être dans votre fauteuil à 20h 30 précises...

N’oubliez pas la règle d’or de CSF aux débats : La parole est à vous !

Entrée : 7,50 € (non adhérents), 5 € (adhérents, chômeurs).
Passe Festival pour 4 films :20 € (non adhérents), 16 € (adhérents)

Adhésion : 20 € pour un an (365 jours) - 15 € pour les étudiants. Donne droit au tarif réduit à toutes les manifestations de CSF, ainsi qu’à toutes les séances du Mercury (hors CSF) et à l’accès (gratuit) au CinémAtelier.
Toutes les informations sur le fonctionnement de votre ciné-club :
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Contact mail CSF : cinemasansfrontieres@free.fr
Contact téléphonique CSF : 04 93 52 31 29 / 06 64 88 58 15
Contact téléphonique Mercury : 08 92 68 81 06 / 04 93 55 37 81.