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VENDREDI 26 FÉVRIER 2016 : LES PREMIERS, LES DERNIERS

20h30 Cinéma Mercury - 16 place Garibaldi - Nice
Publié le samedi 20 février 2016.


Film de Bouli Lanners

Belgique - 2016 - 1h38

Dans une plaine infinie balayée par le vent, Cochise et Gilou, deux inséparables chasseurs de prime, sont à la recherche d’un téléphone volé au contenu sensible. Leur chemin va croiser celui d’Esther et Willy, un couple en cavale. Et si c’était la fin du monde ? Dans cette petite ville perdue où tout le monde échoue, retrouveront-ils ce que la nature humaine a de meilleur ? Ce sont peut-être les derniers hommes, mais ils ne sont pas très différents des premiers.

Article de Martin De Kerimel :

Les premiers, les derniers : le simple titre du long-métrage de ce soir peut vous interpeller. Un film, c’est toujours, de fait, une invitation à visiter un univers. Si nous vous avons conviés aujourd’hui à pénétrer celui de Bouli Lanners, c’est parce que nous aimons ce réalisateur belge et son originalité tapageuse. Nous avons fait le pari que, comme nous, vous apprécierez l’étrange voyage que vous ferez avec lui. Comme toujours, nous avons admis et pris le risque de nous tromper. C’est à vous de décider si ce choix de programmation était bon ou pas. Après la projection, nous serons ravis d’entendre vos impressions et de débattre avec vous. Mais avant toute chose, plutôt que d’en parler, il nous faut, bien sûr, vous montrer le film… Quelques clés de compréhension, d’abord, et pour commencer, un mot sur Bouli Lanners. Cette figure sympathique du cinéma francophone fêtera en mai ses 51 ans. Son parcours cinématographique dure maintenant depuis plus d’un quart de siècle, soit, quand on fait rapidement le calcul, la moitié de sa vie. Or, Bouli n’était pas forcément voué au cinéma. Dans sa jeunesse, peintre à ses heures, il fit un bref passage aux Beaux-Arts de Liège. Finalement, dans un premier temps, il vécut de petits boulots et de grandes débrouilles. Régisseur pour les Snuls, la réponse belge à notre quatuor nul national, on l’aperçut également dans la troupe, comme acteur occasionnel d’abord, puis comme personnage régulier. Le début d’une aventure qui, finalement, n’allait plus vraiment s’interrompre. Bouli Lanners fait ses débuts au cinéma en 1990, devant la caméra d’un autre Belge admirable : Jaco van Dormael. Il est un gangster (sans nom) dans Toto le héros, premier film récompensé à Cannes de la Caméra d’or. Par la suite, le comédien débutant fait ses classes dans une longue liste de téléfilms et de courts-métrages. Il en réalise lui-même quelques-uns. L’un d’eux, Travellinck, a pour héros Didier, 39 ans, un dépressif persuadé qu’il va mourir d’un moment à l’autre et qui décide de se faire filmer à travers la Wallonie, dans l’espoir d’enfin se réconcilier avec son père. Le tout dans une Belgique traumatisée par l’affaire Dutroux… le film sera diffusé sur Arte en 1999, lors d’une soirée consacrée au pédophile. Bouli Lanners, lui, continuera de faire l’acteur pour les autres, mais aussi pour lui-même. Depuis 1999, et presque sans exception, il est visible dans au moins deux ou trois films chaque année ! La liste des réalisateurs qui lui ont fait confiance illustre bien le caractère aventureux et éclectique du personnage : de Yasmina Reza à Dany Boon, en passant également par Jacques Audiard, Solveig Anspach et le duo Delépine / Kervern, il y en a vraiment pour tous les goûts. On constatera aisément que l’homme est fidèle en amitié. Le premier long-métrage signé Bouli Lanners sort en 2004 : il s’appelle Ultranova et lui vaut d’être sélectionné au Festival de Berlin. Déjà, le cinéaste fait appel à un directeur de la photo dont vous apprécierez le travail ce soir : son compatriote Jean-Paul de Zaetijd. Les deux amis continuent de collaborer pour les deux longs-métrages suivants : Eldorado et Les géants. Ensemble, ils construisent des univers singuliers, des espaces naturels où l’homme semble n’être qu’un invité très temporaire et dans lesquels les personnages déambulent sans but évident, bon gré mal gré. L’éventuelle noirceur de ce qui n’est finalement que suggéré n’empêche pas Bouli et ses partenaires de jeu de faire, très souvent, la preuve d’un humour féroce et d’une incontestable humanité. On se souvient notamment d’avoir croisé un nudiste répondant au nom… d’Alain Delon. Ce soir encore, il est très probable que vous soyez chahutés par des émotions complexes, voire contradictoires. C’est ça aussi, le cinéma, non ? Pour vous guider dans cette aventure peu commune, vous retrouverez ici des visages familiers, celui de Bouli, bien sûr, mais aussi celui d’un de ses vieux amis : Albert Dupontel. Comme les deux faces d’une même médaille, les deux compères semblent aussi indissociables que complémentaires, un peu comme les deux jeunes dont ils suivent la trace : Aurore Broutin et David Murgia, sacrées révélations ! Si, comme nous, vous aimez côtoyer les monstres sacrés, vous serez heureux de retrouver ici Max von Sydow et Michael Lonsdale, impayables. Venue du Québec, Suzanne Clément devrait vous plaire également et la composition christique d’un Philippe Rebbot vous étonner franchement. Mais on ne veut pas trop en dire… Les premiers, les derniers… pour parler de son film, Bouli Lanners explique que tout est parti d’un décor fabuleux, qu’il n’avait fait qu’apercevoir lors d’un voyage nocturne, en train. Au cœur de la Beauce, il est question d’un décor majestueux et de vieux sites oubliées, de vie et de mort, d’amour et de justice, aussi. Pour un peu, on se croirait presque dans un western. L’un des personnages s’appelle Cochise, après tout, et il ressemble étrangement à un chasseur de primes. Pour lui donner vie, le réalisateur / acteur et scénariste a passé plus d’un an et demi sur la table de travail avant de tenir l’histoire qu’il voulait raconter. Il précise aujourd’hui qu’une conversation volée lui a donné l’idée d’une fin du monde proche et que tout s’est mis en place soudainement, en cinq semaines seulement. Il indique également que son personnage est très proche de lui et qu’il s’est inspiré de choses très personnelles pour le nourrir. Ouvertement, il faut le dire : nous voilà à nouveau du côté des Indiens ! C’est à vous, désormais, de monter en selle et de vivre le film selon vos propres sentiments. En guise de conclusion, on laissera, pour une minute encore, la parole à Bouli : « Une forme de pessimisme existentiel est très présente dans la pensée aujourd’hui. Ça m’interpelle fort. Pour ma part, j’ai traversé une période difficile. L’idée de la mort ne me lâchait pas. Il fallait exorciser tout ça, à travers une histoire, un film. Comme la société du tout au divertissement et des humoristes me saoule, je ne pouvais pas faire une comédie. L’heure était venue de faire un film plus sombre ». Déprimant, dites-vous ? Attendez un peu. Notre ami belge ajoute également : « Paradoxalement, c’est le seul de mes films qui se terminent bien. Même si c’est la fin du monde, ce qui nous reste à vivre doit être vécu à fond, avec et pour les autres ». Derrière la noirceur, l’artiste dit avoir voulu faire de sa création « un vrai message d’espoir ».

Bouli Lanners, également scénariste du film, est allé puiser l’inspiration de son nouveau film dans sa propre existence. Sa cousine autiste a récemment trouvé un compagnon, relation qu’il a repris à son compte pour les personnages d’Esther et Willy. Le personnage qu’il incarne à l’écran, Gilou, est soumis à un coeur défaillant, comme Lanners lui-même qui a dû être opéré du coeur peu avant le tournage. Enfin, le décor se rapproche d’un monorail découvert par le cinéaste au nord de la Beauce.En effet comme point de départ du film, il explique qu’il est parti d’une image qu’il a pu voir lorsqu’il était dans le train de nuit Toulouse-Paris : "Une espèce de rampe de lancement en béton qui traversait la plaine sur des kilomètres. Je ne savais pas ce que c’était, j’avais l’impression que c’était un aqueduc. J’ai repéré le nom des gares que je traversais, j’y suis retourné. Et voilà." C’est à partir de cette image qu’il a eu envie d’écrire l’histoire de deux personnages très marginalisés socialement qui errent en suivant une trajectoire rectiligne, échappant ainsi à toute logique géographique classique.

Bouli Lanners nous en dit plus sur la signification du titre Les Premiers, les Derniers : "Ce qui nous relie aux premiers Hommes, nous qui sommes peut-être les derniers, c’est ce même désir absolu d’exister à travers le clan familial. J’aime l’idée d’un lien qui nous relie encore à eux. Ça me rassure. Et puis, Le premier et Le dernier, c’est Dieu. Les premiers hommes, à la différence des animaux avaient une conscience et recherchaient le divin. Même si ma foi est cabossée, je suis moi aussi toujours à la recherche du divin. Nous sommes peut-être les derniers, mais nous ne sommes pas très différents des premiers."

Les Premiers, les Derniers partage une thématique commune avec les autres films de Bouli Lanners, à savoir celle d’une cellule familiale traditionnelle explosée, qu’on essaie de reconstituer par tous les biais possibles."Bouli Lanners nous délivre une belle ode aux marginaux. Leurs trajectoires éclectiques se croisent sous le vent et sous les ponts : un cerf, un Jésus SDF et flingueur, un couple de fugitifs simples d’esprit, une momie dans un entrepôt, un ancien croque-mort... Dans cette équation quasi-spirituelle, se côtoient l’étrange peur de la fin du monde et une course-poursuite à plusieurs qui se transforment en odyssée biblique. « Les premiers seront les derniers », les paroles du Christ lui-même selon Matthieu, est la seule morale de cette histoire, lancée un peu au hasard. Dans une perspective d’apocalypse, on pense aux premiers et aux derniers hommes, qui se ressemblent, parfois se rachètent, et aux participants d’une course sans but réel."(aVoir-aLire.com)

Dans ce film, Bouli Lanners collabore à nouveau avec son chef opérateur attitré Jean-Paul De Zaeytijd avec qui il a travaillé sur ses précédentes réalisations Travellinckx, Muno, Ultranova, Eldorado et Les Géants. Les deux hommes ont cherché à ce que Les Premiers, les Derniers soit doté d’une image noire, crépusculaire, âpre, avec des intérieurs confinés et sombres et des extérieurs très froids. Paradoxalement, cette tonalité créée via le numérique a pour objectif de faire naître l’espoir, le cinéaste considérant ce film comme son oeuvre la plus positive à ce jour. En effet dans ce film, les personnages sont à la fin d’une étape de leur vie et au début d’une toute nouvelle. Et ils assistent aussi à la fin d’un monde ténébreux dominé par des obscurantistes profonds, et au début d’un tout autre beaucoup plus lumineux, porté par l’espoir.

Max Von Sydow et Michael Lonsdale complètent le casting de Les Premiers, les Derniers : "Au delà du fait d’avoir l’immense bonheur de tourner avec eux, c’est l’image du père que j’ai essayé de créer en leur confiant ces deux rôles. Il me fallait deux personnages plus âgés que Gilou, plus fragiles physiquement mais tellement plus forts sur le plan moral. Ce dont Gilou a besoin pour rebondir et pour se reprendre en main, c’est un père qui lui fait prendre conscience que sa fragilité à lui est toute relative", confie Bouli Lanners.


Présentation du film et animation du débat avec le public : Martin de Kerimel

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Entrée : 7,50 € (non adhérents), 5 € (adhérents CSF et toute personne bénéficiant d’une réduction au Mercury).

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